Charles III a peut-être choisi l’huile d’olive plutôt que l’huile de baleine pour s’oindre en tant que monarque de l’ère Greta Thunberg. Il a également préféré une simple quiche aux légumes au détriment du poulet au curry, riz et herbes aromatiques symbolisant l’étendue de l’empire du célèbre menu servi lors du sacre d’Élizabeth II en 1953. Perdu l’empire et fini la diète carnivore, c’est l’heure des épinards ! Mais les changements s’arrêtent là. Lors de son couronnement, on n’a pas lésiné sur la parade militaire, le symbolisme et l’affichage de la puissance et du protocole britannique.
Par Alberto Rodriguez Pérez
Publié le 11mai 2023
On dit que le nouveau roi veut moderniser la couronne et laisser son empreinte face à la neutralité de sa mère. Il a mis en garde contre le changement climatique et les inégalités économiques. Il a reçu des chefs d’autres religions pour montrer la diversité. Il est écologiste, cultivé, pluriel et, affirme-t-on, ouvert d’esprit. Certaines choses évoluent, mais pas son rapport à l’argent, preuve que la monarchie britannique est prête à s’adapter à son époque, en tout sauf dans ses comptes. Charles III accumule une fortune personnelle estimée à 2,2 milliards d’euros sur laquelle il n’est pas tenu de payer d’impôts. The Guardian a publié une série d’articles sur les origines et la croissance exponentielle de la richesse colossale des Windsor, montrant du doigt ses racines profondes dans le colonialisme et l’esclavage. Et cela dans un contexte où les inégalités galopantes sont un symptôme de maladie sociale et une cause de frustration puissante qui fragilisent la démocratie. Les Britanniques ont du mal à accepter ces privilèges excessifs. Les priorités sont ailleurs.
Le couronnement en grande pompe de Charles III a coïncidé avec le revers électoral subi par le parti du Premier ministre Rishi Sunak lors des élections municipales en Angleterre. Les électeurs ont exprimé leur rejet de plus d’une décennie de domination conservatrice. Une période en proie à des scandales successifs impliquant Boris Johnson, et qui atteint son paroxysme avec le plan désastreux de réduction d’impôts de l’éphémère Première ministre Liz Truss et l’intervention de la banque d’Angleterre pour éviter une crise financière. Les premiers mois du règne du monarque ont été marqués par les plus importants troubles sociaux de ces dernières années au Royaume-Uni.
Le roi Charles III s’évertue pourtant à transmettre une image de proximité et tente, sans grand succès, d’adapter la monarchie britannique aux temps nouveaux. Il a lancé des gestes de rapprochement avec les leaders religieux juifs, musulmans, hindous, sikhs, confirmés lors de la cérémonie de l’abbaye de Westminster, malgré le fait qu’il s’agissait d’une liturgie fondamentalement protestante. En même temps, il a prêté main-forte au gouvernement Sunak dans son effort pour reconstruire les ponts avec l’Union européenne.
Le souverain possède un rôle constitutionnel de premier plan, détient certains pouvoirs formels même si c’est le Premier ministre qui gouverne, et garde une influence que seule sa popularité lui permet d’exercer. La famille royale n’est que trop consciente de l’importance capitale de l’adhésion du public. Charles III devra accélérer une stratégie qui renforce chez les nouvelles générations la perception d’utilité des institutions monarchiques. Son couronnement a diverti au moins vingt millions de Britanniques et une partie du reste de la planète, mais le monarque est conscient que le « Dieu sauve le roi » prononcé samedi par les invités à la cérémonie n’a pas été entendu avec autant de force partout dans le pays.
Du haut de ses 73 ans sera-t-il capable de donner un véritable coup de neuf à l’institution monarchique ? Les changements devraient se faire sur un mode très progressif, avec un souci de stabilité et de continuité. La Couronne préfère l’évolution à la révolution.
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