Manifestation contre les retraites.

Réforme des retraites : fermez la parenthèse !

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L’unité syndicale affichée, inédite depuis quatorze ans, a permis aux organisateurs de mobiliser davantage que lors des précédentes fêtes du travail. Sans parvenir à faire mieux que les 7 et 23 mars, jours des plus importantes manifestations contre la réforme des retraites, 782 000 manifestants selon le ministère de l’Intérieur, 2,3 millions, à en croire la Confédération générale du travail (CGT), ont battu le pavé.

Par Alberto Rodriguez Pérez
Publié le 5 mai 2023

Les jusqu’au-boutistes s’accrochent à quelques dates symboliques, le 3 mai, nouvelle décision sur le RIP, le 8 juin, proposition de loi visant à abroger la réforme ou encore le 14 juillet. En dépit de la persistance du conflit social et d’intolérables violences et dégradations en marge des cortèges de Paris, Lyon, Nantes ou Strasbourg, plusieurs éclaircies sont venues dégager l’horizon du gouvernement.

Surtout, la Première ministre a enregistré une première bonne nouvelle venue de la CFDT. Son secrétaire général, Laurent Berger, a accepté de saisir la main tendue par Élisabeth Borne pour aborder de nouveaux chantiers, dont la transcription de l’accord sur le partage de la valeur ou la nouvelle gouvernance de l’assurance-chômage. En acceptant le principe d’un rendez-vous à Matignon, le syndicaliste réformiste se démarque de ses partenaires de l’intersyndicale les plus radicaux. « La CFDT et la CFTC disent vouloir revenir discuter et FO affirme ne pas être dans une logique de chaise vide. Tant mieux, cela ne signifie pas qu’on est d’accord, mais qu’on peut travailler », se félicite le ministre du Travail, Olivier Dussopt.

Un optimisme partagé à tous les étages de l’exécutif, y compris à l’Élysée, où l’on semble enfin rassuré devant les signes d’essoufflement de la crise. Parmi les motifs de satisfaction, la finale de la Coupe de France de football, samedi, où l’accueil glacial promis à Emmanuel Macron ne s’est finalement pas produit.

Apparemment vaincus, les syndicats sortent pourtant renforcés de cette séquence sociale. La bataille politique, elle, se poursuit. En jeu, le titre de premier opposant. Face à la radicalité de Jean-Luc Mélenchon appelant à l’insurrection en marge du défilé parisien, au Havre, Marine Le Pen, grimée en défenseuse de la « paix sociale », entre en lice pour la présidentielle de 2027.

Le chef des Insoumis tire à boulet rouge sur le chef de l’État : « C’est bien heureux qu’Emmanuel Macron ait choisi de se donner, on ne sait pourquoi, 100 jours dont la conclusion serait le 14 juillet. Nous lui apprendrons à cette occasion toute la signification de l’insurrection », a-t-il martelé. Un vocabulaire de soulèvement pour renverser le pouvoir établi et de révolte dans son registre habituel dont on aurait tendance à s’habituer. Une rhétorique belliqueuse qui marque une ambiguïté de plus sur son respect des institutions.

Sur le port du Havre, Marine Le Pen, candidate malheureuse à trois reprises, dévoile ses ambitions pour 2027. La plus silencieuse des opposants à la réforme des retraites empocherait la mise sans même brandir une casserole. Les sondages, ceux qui la donnaient vainqueur, d’abord face à François Hollande, puis face à Emmanuel Macron, sont formels ! Désormais, une majorité de Français estiment sa victoire possible, comme ils imaginaient possible une victoire de la gauche aux législatives de l’an dernier. Certes, elle bénéficie surtout du moment politique pour s’ériger en leader de l’opposition. Elle profite aussi de la colère et s’en donne à cœur joie.

Pour autant, arrêtons de croire que Marine Le Pen progresse chaque jour et ne cesse de gagner des points. Faire du Rassemblement national un parti de gouvernement, c’est déjà lui offrir un grand cadeau. Sa présence au second tour il y a un an s’est jouée à 420 000 voix (1,2 %). On se fait tous à l’idée qu’elle sera finaliste, quoi qu’il arrive, dans quatre ans. Eh bien non ! 1 500 jours, en politique, c’est une éternité. Rien n’est écrit.


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