Abbaye de Pontlevoy, mille ans d’éducation

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Elle a subi les incendies, les pillages, les guerres… Et a malgré tout résisté. Près de mille ans d’histoire pendant lesquels l’abbaye de Pontlevoy fut tour à tour brillante et modeste, riche et pauvre, mais toujours fidèle à ses traditions. Depuis 1034, malgré conflits et révolutions, la maison resta rempli d’élèves.

Par Alberto Rodriguez Pérez
Publié le 25 août 2019

« En mille ans de vie, que d’épreuves a subi la maison : pillée, brûlée, exploitée. Elles n’est tombée que pour se relever aussitôt et reprendre son rôle. La sainte Vierge intervenant pour suppléer à l’insuffisance des hommes et brider leur malice ! » C’est en ses termes que Jean de Bodard (1883-1953), passionné de recherche historique, décrit les devoirs du monument dans son ouvrage “Pontlevoy, son abbaye, son école“.

L’origine de l’abbaye de Pontlevoy est un acte de reconnaissance. Au XIe siècle, Gelduin, rude seigneur du Moyen Âge, désireux d’acquérir des mérites pour la vie future après une vie consacrée à la guerre, concéda à la Vierge une part de son héritage. Et pour la servir, il installa des moines de Saint-Benoît dans son château de Pontlevoy. La forteresse de Saint-Pierre enterra alors son rôle guerrier et devint un abri de paix et de prières. Les moines aménagèrent et la régularité s’établit selon les usages de Cluny. Puis, se développant, l’abbaye reçut dans ses murs tous ceux qui aspiraient à un bel idéal.

Les enfants d’abord

Dès l’origine, l’abbaye admit les enfants et parmi les moines, lettrés pour la plupart, les petits recevaient une instruction complète. « Appelés oblats, les enfants au XIIe siècle étaient offerts aux abbayes par leurs parents pour y devenir religieux. Cette offrande se faisait pendant la messe, explique l’historien Jean-Paul Sauvage. Après l’offertoire, les parents conduisaient l’enfant et lui enveloppant les mains dans la nappe de l’autel, le remettaient au prêtre qui le recevait en lui faisant sur la tête le signe de la croix. Il recevait dans le monastère l’instruction et la formation imposées par les coutumes, et il ne lui restait plus qu’à prononcer ce vœu lorsque son âge le permettait. »

Cette méthode, appliquée depuis l’origine de l’ordre bénédictin, fut celle de tout le Moyen Âge. Elle tomba peu à peu en désuétude et les enfants cessèrent d’être contraints de faire profession. Ainsi, les petits oblats de Pontlevoy devinrent de simples écoliers, parmi lesquels les uns restaient dans le cloître, tandis que les autres rentraient dans le monde une fois leurs études finies.

La chapelle de l'Abbaye de Pontlevoy. Photo ARP
La chapelle de l’abbaye de Pontlevoy. Photo ARP

Soigner les pauvres et les malades

On peut donc faire correspondre la fondation de l’abbaye à celle du collège. Un collège dont la caractéristique est la bonne éducation : des enfants bien élevés, sachant se présenter, parler et capables de se faire une place dans la meilleure société. Il a sans doute fallu du tact aux Bénédictins pour faire vivre ensemble des élèves de situations sociales et de fortunes différentes. Le règlement de l’école militaire avait en effet imposé au collège de recruter ses élèves sans distinction de classes sociales ni fortune. Jusqu’à la Révolution, la camaraderie fut parfaite.

Pour les pauvres aussi, l’abbaye se fit accueillante, et jusqu’à la Révolution, c’est l’abbaye seule qui secourut les nécessiteux de Pontlevoy, Thenay, Sambin et Feings. « Dans les périodes de calamités, l’abbaye force ses secours, prend sur son nécessaire, s’endette s’il le faut. Les moines sont dans la misère, mais le patrimoine des pauvres est sacré, on le donne toujours », écrit ainsi Jean de Bodard.


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Après le soin des pauvres, celui des malades. Une Maison-Dieu s’ouvrit à Pontlevoy pour les recevoir. Une léproserie reçut les lépreux et au XVIIIe siècle c’était encore l’abbaye et son apothicaire qui soignaient les malades. Satisfaire les besoins du corps était une chose, mais il y avait aussi les âmes, et l’abbaye ne les oublia pas. Copiant les manuscrits, formant une bibliothèque importante pour l’époque, les moines étudiaient pour enseigner et suivant la coutume de Cluny, protégeaient les arts et la culture de l’intelligence.

Entre déclin et résurrection

Lorsque l’église brûlait, les moines la reconstruisaient plus belle. Les Anglais pillèrent et saccagèrent l’abbaye, les moines s’installaient dans les ruines, misérables, peu nombreux. La vie continuait dans le monastère et l’on continuait à élever quelques enfants. À la fin du XVIe siècle, l’abbaye tomba cependant dans la désorganisation et le laxisme. Les moines étant dans la misère, la règle se relâcha et l’abbaye, peu à peu, ne devint plus que l’ombre d’elle-même.

Et pourtant fut bâtie la chapelle actuelle où l’on y reçoit encore des enfants. Enfin, au moment où, réduite à quelques religieux vivant dans ses ruines, elle semblait agoniser, la réforme de Saint-Maur (XVIIe) lui donna un nouveau souffle. Un sang nouveau lui fut injecté, et de suite, la régularité reprit, les bâtiments se restaurèrent et bientôt, pensant toujours aux enfants, les moines ouvrirent un collège.

De partout les élèves arrivèrent ; fils de gentilshommes, de magistrats, de marchands, de fonctionnaires. Les bâtiments du collège s’élevèrent, la vieille abbaye branlante fut remplacée par une nouvelle ; ce fut une résurrection. Et comme apothéose, elle devint école royale militaire.

Le cloître de l'abbaye de Pontlevoy. Photo ARP
Le cloître de l’abbaye de Pontlevoy. Photo ARP

Aujourd’hui, un pôle éducatif

Arriva la Révolution : ce devait être la mort de l’abbaye, mais il n’en fut rien. Pendant cette période agitée, les moines furent chassés et l’école, devenue laïque, conserva le règlement et l’esprit de l’ancien collège. Peu après, elle ferma à nouveau, mais sous l’impulsion de M. Laurentie, Pontlevoy bénéficia d’une nouvelle période de prospérité. Sa mort prématurée vint encore compromettre la vie du collège.


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Le salut vint aussitôt et, cette fois, les sauveurs furent le prince de Chalais et le marquis de Vibraye. Et c’est alors que, pour assurer son avenir, les propriétaires en firent don à l’évêque de Blois.

Le temps passa avec des hauts et des bas, et le collège dura toujours. Mais la loi de Séparation (1905) apporta son lot de nouvelles difficultés : les religieux furent expulsés, le collège saisi et fermé. Une rentrée avec trois élèves eut lieu en 1905, mais la vieille école tient bon jusqu’en 1959, lorsque l’abbaye finit par fermer ses portes. À partir de 2005, un internat et un lycée s’installèrent à l’ombre de l’abbaye.

Ancré dans son territoire, enraciné dans son histoire, trois collèges, Le Prieuré, le British et Notre-Dame de la Joie, et le Lycée catholique de Pontlevoy, se réunirent pour créer un projet commun. Filière techno, formation des handicapés, école de production et microentreprise s’installèrent progressivement à l’abbaye dès 2019 donnant ainsi naissance au nouveau pôle éducatif Pontlevoy l’Abbaye.

Un projet inspirant pour un lieu unique

Pour rester informé sur les sujets touchant le patrimoine en Val de Loire, consultez une selection d’articles sur son patrimoine culturel et immatériel…Imposant ! Avec les 27 000 m2 de son bâtiment principal, ses terrains et jardins classés, ses édifices annexes, le site de l’abbaye de Pontlevoy est la fierté du village.

À la suite de sa mise en vente en 2016 par la Banque HSBC, la SCI Gelduin s’est constituée pour acquérir le monument. La vente a finalement été conclue fin 2018 pour une somme symbolique. Pour assurer l’avenir du site en cohérence avec sa vocation et son histoire, la SCI s’est associée au Fonds de dotation Abbaye de Pontlevoy.

Ces structures vont développer un pôle de vie éducatif centré sur l’éducation de la jeunesse et orienté vers le rayonnement éducatif, culturel et spirituel de l’abbaye. À en croire Vincent Le Flohic, directeur du lycée catholique, « les besoins financiers du projet ont été identifiés pour les prochaines années, 4,2 millions d’euros seront ainsi investis en 2019 et 2020. »


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