L’esprit de clocher au chevet du patrimoine

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La vieille halle de Bracieux, les tableaux de l’église de Dhuizon, le lavoir de Marcilly-en-Geults, le four à briques de Cour-Cheverny, la flûte berrichonne de vielles maison sur Joudry ou encore l’église de Chaumont-sur-Tharonne ont bénéficié du mécénat populaire pour se refaire une beauté. Des villages se mobilisent avec le soutien de la Fondation du Patrimoine et s’appuient sur le grand public pour aider à la restauration du patrimoine de proximité.

Par Alberto Rodriguez Pérez
Publié le 27 avril 2015

Des églises, des lavoirs, des ponts, des châteaux d’eau, des tableaux… Les collectivités disposent d’un riche patrimoine qui coûte souvent cher à entretenir et rénover. N’importe quel élu vous le dira, remettre en état une église peut anéantir les finances locales surtout en cette période où les dotations diminuent. Pour financer ce type de chantier, l’appel au mécénat populaire est de plus en plus prisé.

C’est la Fondation du patrimoine qui, en général, gère les dossiers et agit en interface entre les dons des particuliers et des entreprises. En Sologne, plusieurs projets de sauvegarde du patrimoine se sont ainsi concrétisés : la vieille halle de Bracieux, la maison éperonnée de Chailles, les tableaux de l’église de Dhuizon, le lavoir de Marcilly-en-Geults, le four à briques de Cour-Cheverny, la flûte berrichonne de vielles maçonnes sur Joudry ou encore l’église de Chaumont-sur-Tharonne sont des exemples récents.

De quoi faire rentrer de l’argent, mais aussi créer un lien plus intime avec le public. « Le financement participatif fonctionne beaucoup sur l’affectif, sur le lien avec le projet… et l’on sait qu’en France nous restons très attachés au patrimoine local », explique Pascal Goubert de Cauville, maire de Chaumont-sur-Tharonne.

Au cœur de la Sologne, à mi-chemin entre Orléans et Romorantin, le village de 1100 habitants conserve le témoignage des remparts qui l’entouraient autrefois et son église des XVe et XVIe siècles. Avec pour ambition de devenir l’un de plus beaux villages de France, le Conseil municipal décide, en 1997, de restaurer l’église Saint-Etienne. Dans les années 2000, des travaux d’envergure ont permis la réhabilitation de la chapelle nord, du clocher et de l’ensemble restant de l’édifice. Puis une seconde phase de travaux s’est enclenchée, toujours avec le soutien de la Fondation du Patrimoine qui gère, depuis le début, les appels aux dons.

« La restauration de l’intérieur de l’église concernant les boiseries, les murs et la sacristie aurait dû débuter en octobre 2012. Cependant, les travaux intérieurs ont mis à jour des peintures murales datant de la fin du XVe et du début du XVIe siècle sur les murs nord et sud sur environ une vingtaine de mètres », poursuit M. Goubert de Cauville. « De ce fait, la restauration intérieure intégrant ces peintures murales vient à peine de se terminer redonnant ainsi à l’église Saint-Etienne, dont le clocher est le point le plus haut de la Sologne, toute sa splendeur. »

Même si le maire affirme que la commune aurait financé l’intégralité des travaux, soit près de 400 000 €, sans la souscription, la collecte publique a apporté 17 600 €. La DRAC centre et le Conseil Général du Loir-et-Cher ont également été sollicités. Rappelons que Chaumont-sur-Tharonne accueille sur son territoire un complexe Center Parcs. « Au-delà de l’argent, nous avons cherché à impliquer nos concitoyens dans l’action de sauvegarde et embellissement de l’église et la souscription publique nous a semblé un excellent moyen d’y parvenir », conclut l’élu.

Le patrimoine au secours de l’emploi…

Sauver son église est donc un acte d’implication et de solidarité, mais aussi un ressort économique. Des villages se mobilisent pour leurs monuments, les communes rallient leurs habitants pour sauver les monuments locaux profitant de la vague de l’économie participative. Ressaisir ses racines est une démarche qui séduit de plus en plus et confirme le profond attachement des Français pour leur patrimoine de proximité.

Le mécénat participatif est à la mode depuis le lancement en France des plateformes de crowdfunding comme My Major Company. Il n’est pourtant pas nouveau.

La Fondation du Patrimoine fait appel au mécénat populaire depuis 1999, et bien avant elle, des souscriptions publiques étaient lancées pour ériger des monuments aux morts ou la célèbre Statue de la Liberté offerte par la France aux États-Unis.

C’est en 1999 que la Fondation lançait sa première campagne. Après 14 années, près de 69 millions d’euros ont été collectés pour préserver le patrimoine local. Mais cette manne a servi également à maintenir des emplois et renforcer l’attractivité touristique des villages. Selon les données de la Fondation du Patrimoine, pour chaque 35 000 € récoltés, un emploi serait indirectement créé ou sauvegardé.

Pour mener à bien ces campagnes de collecte, les municipalités et associations font front commun avec la Fondation. Et c’est bien cela la première mission que l’État a confiée à la Fondation du Patrimoine. Agissant auprès des collectivités, mais également des particuliers qui voudraient restaurer leur maison, la Fondation a lancé près de 70 souscriptions publiques en Loir-et-Cher. « Toutes couronnés de succès » confirme Mme Doire. « Actuellement, de nombreux projets sont présentés sur notre site internet et des appels à souscriptions sont ouverts. »

La Fondation accompagne le maître d’ouvrage en lui apportant son expertise et son appui. « Le concours de la Fondation du Patrimoine permet, par le biais des avantages fiscaux, d’ouvrir à tous la possibilité d’un mécénat populaire », poursuit Mme Doire. Selon la déléguée départementale adjointe de la Fondation pour le 41, « ce type d’action sensibilise la population à la sauvegarde du patrimoine rural de proximité et évite que celui-ci tombe dans l’oubli ».

Reconnue d’utilité publique, la Fondation du patrimoine délivre aux donateurs un reçu ouvrant droit à des réductions d’impôts. Les sommes collectées sont reversées au maître d’ouvrage à la fin des travaux sur présentation des factures acquittées. La structure peut aussi verser une subvention complémentaire. La Fondation ne retient que 3 % de frais de gestion à l’exception des dons effectués en paiement de l’ISF où le prélèvement s’élève alors à 5 %.

« Notre délégation continue à affecter une majorité de ses fonds à notre mission première : la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine de proximité. Ainsi, grâce au soutien constant des institutions telles que la Région Centre et les Départements, des adhérents toujours plus nombreux, des donateurs et des mécènes, 85 % de nos ressources vont directement au soutien de projets aussi bien publics que privés », atteste Ludivine Hubert, chargée de mission Centre-Est pour la Fondation. « De même, grâce à notre organisation, qui repose sur le bénévolat, notre délégation peut fonctionner en présentant un moindre coût de fonctionnement. »

De Grégoire aux clochers de nos églises…

Pourtant, si le profit est loin de cette démarche, le secteur intéresse les acteurs privés du crowdfunding. My Major Company a commencé par proposer aux internautes de produire des chanteurs. Le succès a été au rendez-vous pour Grégoire, chanteur inconnu en 2009. Les 70 000 € des internautes ont permis la production de sa chanson « Toi + Moi ». Depuis, le filon semble épuisé. Le site a élargi son offre et propose désormais d’aider les sites historiques nationaux à trouver des fonds. Il met en relation, sur sa page web, des internautes et de créateurs de projets variés.
« Le patrimoine est un champ nouveau pour nous », expliquait au Figaro Victor Lugger, directeur général de la compagnie. « On sait que l’État se retire, mais qu’il y a beaucoup de projets qui tiennent au cœur des Français et des touristes. »
Lugger a d’ailleurs lancé un appel à tous les maires de France pour qu’ils « remontent » les chantiers patrimoniaux locaux en manque d’argent. De quoi alimenter son site et créer du trafic.

My Major Company prélèvera 10 % du montant total des dons si les objectifs de collectes ont été atteints. Mais son but est aussi ailleurs. « Le financement participatif en est à ses débuts en France, et nous misons sur son développement, explique Victor Lugger. Ce qu’il faut c’est amorcer le mouvement. »
Mais paradoxalement, les menaces qui pèseraient sur le financement participatif proviendraient de son succès. La lassitude des donateurs, les coûts croissants de la prospection et surtout l’exaspération du ministère des Finances qui voit lui échapper des sommes de plus en plus importantes alors qu’il doit faire face aux contraintes budgétaires. La question est de savoir si pour consolider le financement privé et populaire du patrimoine, les associations et les collectivités devront passer du mécénat au parrainage. Ce dernier n’offre aucun avantage fiscal.


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