Le marqueur identitaire des retraites

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La réforme des retraites est engagée. La Première ministre Élisabeth Borne a présenté, ce mardi 10 janvier, les grandes lignes. Le projet de loi doit être ensuite examiné à l’Assemblée nationale au début de février pour une mise en œuvre attendue cet été.

Par Alberto Rodriguez Pérez
Publié le 12 janvier 2023

Emmanuel Macron a répété vouloir « sauver » le système par répartition, afin de « préserver notre modèle redistributif menacé par un financement à crédit ». Selon Bruno Lemaire, « la réforme présentée rapportera 17,7 milliards d’euros en 2030 aux caisses de retraite ». L’exécutif disposera par ailleurs d’une cagnotte de 4,2 milliards d’euros pour financer des mesures d’accompagnement. Mme Borne a souligné que « pas un euro ne servira à payer autre chose que des retraites ».

Les enjeux sont complexes et l’objectif d’équité doit donc être conjugué à celui de durabilité. Pour les actifs, la retraite mobilise des attentes légitimes, mais elle dépend des parcours professionnels. Le système de répartition, sorte de « pot commun », garantit la solidarité, mais son budget va croissant en raison de l’évolution démographique. Le régime des retraites pèse sur la masse des dépenses publiques alors que l’État doit réduire son endettement de 3000 milliards d’euros.

La réforme majeure du second mandat d’Emmanuel Macron risque d’agiter le climat social en ce début d’année. Une situation accablante qui reflète la manière querelleuse de nos élus de faire de la politique et pointe un dialogue entre les partenaires sociaux terriblement dégradé. En effet, elle est rejetée par une grande partie de l’opposition et unanimement refusée par les syndicats, qui convoquent des mobilisations afin de montrer un « front uni pour dire non à la retraite à 64 ans ». Le débat confronte deux blocs qui affichent, comme unique volonté, celle de briser le camp d’en face. Les principaux leaders de la gauche ont exhorté au retrait de cette réforme. La nouvelle patronne des Verts, Marine Tondelier, a également appelé à « renoncer » à ces mesures qui « mettront le feu socialement au pays ». La France insoumise fustige une réforme « injuste » et donne rendez-vous dans la rue. Pour le Rassemblement national (RN), lui aussi hostile, « l’âge légal de départ ne doit pas être repoussé ».Prônant des moyens pour les petites pensions et les femmes, avec une suppression progressive des régimes spéciaux, seul le président des Républicains (LR), Éric Ciotti, a posé ses conditions, sur le rythme et le calendrier, pour faire avancer et voter le texte à l’Assemblée.

Mûrement soupesés, les arbitrages retenus dans le projet de réforme reflètent les choix du chef de l’État. Le président Macron a certes renoncé au changement systémique qu’il préconisait lorsqu’il était candidat en 2017. Pour autant, sa détermination à reculer l’âge légal de départ est un marqueur de son approche libérale. Fidèle à ses principes, il défend la valeur travail, réduit la pression sur les entreprises et redonne de la compétitivité au pays en espérant que cela profite à tous.

Cette réforme est aussi celle d’une philosophie politique fortement contestée. Lors de son premier mandat, M. Macron avait misé sur les « premiers de cordée » et supprimé l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) provoquant un puissant sentiment d’injustice. Avec sa réforme des retraites, va-t-il de nouveau s’illustrer comme le président des riches en faisant peser les économies sur les plus modestes ? Repousser l’âge légal aura peu d’impact sur les plus diplômés. Les économies seront prélevées sur le reste de la population, notamment sur les ouvriers et employés, qui sont aussi ceux qui ont les plus faibles espérances de vie en bonne santé.

Il est temps que le système de retraite montre de la cohérence, qu’il prenne en compte les inégalités sociales abyssales, la pénibilité et la revalorisation des petites pensions (en partie prévue par la réforme). Le tout avec un service public de la dépendance permettant à chacun de finir sa vie dignement. Souhaitons que les députés et le mouvement social sachent en convaincre le gouvernement sans paralyser le pays. Le système de retraite doit nécessairement être aménagé, mais en concertation, parce que nous sommes tous concernés.

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