Une étude de l’Ifop, publiée mi-janvier, pointe une défiance croissante du jeune public envers les vérités scientifiques.
Par Alberto Rodriguez Pérez
Publié le 19 janvier 2023
La proportion de jeunes estimant que « la science apporte à l’homme plus de bien que de mal » (33 % en 2022, contre 55 % en 1972) montre que la génération Z est plus méfiante à l’égard des bienfaits de la science que celle du baby-boom. Selon ce sondage, l’essor des croyances infondées s’inscrit dans un contexte de révolution des pratiques informationnelles. Les internautes qui consultent les réseaux sociaux plusieurs fois par jour sont plus imprégnés de vérités alternatives.
En opposition tranchée, une enquête menée dans quatre pays européens, France, Espagne, Allemagne et Royaume-Uni, ratifie le crédit élevé des savoirs scientifiques auprès de la majorité de la population. Ce rapport de la Fondation BBVA sur la culture scientifique dissipe certains des préjugés les plus profondément enracinés concernant le mépris ou la remise en question de la science en tant que connaissance objective et fiable. Parmi les résultats les plus pertinents y figure la confiance dans le principe que les conceptions scientifiques améliorent la vie des sociétés et mettent fin aux superstitions et aux peurs du passé.
Les Européens font confiance à la science, mais n’en connaissent que les concepts élémentaires…
La majorité de la population européenne s’intéresse à la science. Elle suit l’information scientifique sur les canaux traditionnels et numériques et considère qu’il s’agit de la connaissance la plus impartiale et la plus valable. Loin des réseaux prolixes et des fake news, l’opinion générale sur la capacité des avancées techniques à lutter contre des phénomènes tels que la crise climatique et les pandémies explique cet intérêt croissant pour les données véridiques et les faits objectifs.
Mais en pratique, un décalage existe entre cet intérêt et le niveau de connaissance. Alors que la plupart des Européens comprennent des concepts scientifiques tels que le rôle des plantes dans l’approvisionnement en oxygène (90 %), l’origine de l’univers (70 %), et l’origine et l’évolution de l’homme (79 %), un manque important apparaît concernant la santé et l’environnement. Pour exemple, seulement 50 % des citoyens sont capables d’identifier comme erronée l’idée que « les antibiotiques détruisent les virus » et uniquement 37 % reconnaissent le mensonge selon lequel « le changement climatique se produit en raison du trou dans la couche d’ozone ».
La culture scientifique des Européens demeure insuffisante, mais la bonne nouvelle est peut-être la perception de la valeur, de la rigueur et de la solvabilité de la méthode scientifique par rapport à toute autre source de savoir. Le discrédit tombe sur les promoteurs de l’infobésité et de la manipulation. La prophétie autoréalisatrice des réseaux sociaux – on ne croit que ce qu’on voit, comme dit Saint Thomas, mais on ne perçoit que ce qu’on croit, dit en substance le sociologue américain William Thomas – prétend à une illusoire hégémonie post-vérité. Leur vulnérabilité aux canulars, aux fausses nouvelles, aux gros titres choquants vides de sens et à tant d’autres formes de réalités alternatives se heurte à l’évidence que la majorité de la population reconnaît les pouvoirs de la science pour résoudre les problèmes et mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons.
Le vieux mépris de la science en est depuis longtemps à court d’alliés.