Carte Turquie et Syrie

Séisme en Anatolie, comment aider la Syrie ?

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Ce n’est pas seulement la géologie tourmentée de la péninsule anatolienne, l’une des zones sismiques les plus actives du monde, sujette à d’importants mouvements tectoniques, qui a détruit des centaines de milliers de bâtiments en Turquie et en Syrie et enseveli des dizaines de milliers de personnes. Un gouvernement impuissant et un État incapable de garantir le niveau minimum de sécurité à ses citoyens sont les causes majeures des décès enregistrés dans les dix provinces turques touchées par les tremblements de terre et dans les deux régions syriennes, l’une contrôlée par la dictature de Bachar Al-Assad et l’autre par les rebelles toujours en guerre contre Damas.

Par Alberto Rodriguez Pérez
Publié le 16 février 2023

En Turquie, la négligence, le clientélisme et même la corruption, sont à l’origine de l’extrême fragilité d’un parc immobilier anarchique édifié par des promoteurs ayant enfreint les normes antisismiques. Le contraste entre les ruines des bâtiments effondrés à la suite du tremblement de terre, juste à côté d’autres restés intacts, pointe à lui seul l’extension de constructions issues des programmes immobiliers rapides et peu coûteux de l’ère Erdogan.

C’était un tremblement de terre, celui d’Izmit en 1999, avec plus de 17 000 morts qui a propulsé le Parti de la justice et du développement (AKP), lui a donné la majorité au gouvernement en 2002 et a permis à Recep Erdogan, lui-même, de diriger le pays depuis 2003, d’abord en tant que chef de l’exécutif puis comme président. Mais ce pourrait être un autre tremblement de terre, celui du lundi 6 février 2023, qui mettrait en danger cette majorité et même la continuité du président lors des élections prévues en mai.

Les réglementations de construction antisismique et les inspections mises en place se sont relâchées dans le quart de siècle d’hégémonie de l’AKP. Des centaines de milliers de bâtiments construits depuis lors en dehors des normes ont reçu une validation légale en 2018, dans une sorte d’amnistie urbaine qui a procuré des revenus substantiels à l’Administration, des fonds théoriquement fléchés à la sécurité sismique. Il sera donc difficile pour le gouvernement et le président de se soustraire aux responsabilités qui leur sont déjà réclamées par l’opposition et une partie de la population malgré une première vague d’arrestations visant des promoteurs immobiliers.

Mais alors que l’aide occidentale afflue en Turquie, l’entrée en Syrie toujours en guerre et sous le coup de sanctions internationales est plus problématique notamment dans les régions rebelles. Temps glacial, accès limité aux abris, à la nourriture, à l’eau et aux soins, pourraient mettre plus de cinq millions de Syriens à la rue. Dans la ville martyre d’Alep dévastée, Bachar Al-Assad s’en est pris à l’Occident et aux blocages internationaux pour justifier sa lenteur et celle de l’aide humanitaire. Ce qui est faux : les mesures restrictives ne concernent pas le domaine médical, sanitaire ou alimentaire.

Dans ces conditions, comment tendre la main au peuple syrien sans remettre Bachar au centre du jeu ? Il est urgent d’alléger les sanctions, l’embargo et le brouillage des communications pour favoriser l’arrivée de l’aide humanitaire et de groupes de secours. Malheureusement, après presque douze années de guerre civile, Bachar Al-Assad, un allié redevable de l’appui militaire de Poutine et de Khamenei, qui a tué, gazé, massacré son propre peuple, tentera de profiter de cette catastrophe pour normaliser les relations avec certains pays arabes voisins et asseoir sa reconnaissance extérieure. Mais, cette région entre le bassin de la mer Noire et la mer Méditerranée a besoin de la plus grande solidarité occidentale et autant de ressources que possible pour aider les victimes et reconstruire leurs villes. À nous d’orienter cette solidarité vers les bons acteurs et les associations non gouvernementales installées sur place. 


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