BIdonville à Mayotte (IA)

Opération Wuambushu, Mayotte dans l’expectative

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Gérald Darmanin semble vouloir se servir de Mayotte comme laboratoire de sa politique contre l’immigration clandestine au risque de transformer l’île en théâtre d’attaques à notre droit et à nos valeurs.

Par Alberto Rodriguez Pérez
Publié le 27avril 2023

L’opération Wuambushu (reprise en mahorais) a pour objectif d’agir contre le trafic d’armes, la criminalité et la délinquance, en procédant à la destruction de bidonvilles et à des expulsions massives d’étrangers en situation irrégulière. En intensifiant les actions de « décasage » et d’expulsion, l’exécutif a suscité l’hostilité du président comorien qui refuse l’accostage de ses ressortissants et jette un doute sur la réussite des opérations.

Avec des services de l’État sous-dimensionnés et la succession de plans aux buts imprécis, Mayotte n’a jamais bénéficié des nécessaires investissements dans l’éducation, la santé et l’éradication de la misère que le statut de 101e département français aurait dû lui attirer. Selon un rapport de la Cour des comptes de juin 2022, 84 % de la population (officiellement estimée à 290 000 habitants dont la moitié d’étrangers en provenance en grande majorité des Comores voisines, dont près d’un tiers de clandestins) vit sous le seuil de pauvreté. 30 % des actifs sont au chômage et seulement 32 % des personnes de 15 ans ou plus sorties du système scolaire possèdent un diplôme qualifiant. De l’ordre de 25 à 30 bébés naissent chaque jour sur le territoire et il manque 850 classes en primaire.

Moroni avance ses pions

Mayotte agonise de ses fractures et des tensions sociales avec la prolifération de bidonvilles (40 % des plus de 60 000 logements sont construits principalement en tôle, bien souvent sans accès à l’eau potable ni à l’électricité) et l’accroissement considérable de la violence. Des bandes armées sillonnent certaines parties de l’île. Aujourd’hui, l’idée que l’immigration comorienne est un frein au développement de Mayotte fait consensus chez les Mahorais.

Française depuis 1841, Mayotte est le seul territoire de la République habité revendiqué par un pays limitrophe. Depuis que l’archipel a choisi l’indépendance en 1976, les Comores ont multiplié les démarches à l’Assemblée générale des Nations unies pour faire condamner la France et contester sa souveraineté sur l’île. Sans avancées majeures, Moroni a donc changé de stratégie en envoyant massivement sa population s’installer à Mayotte. En quelques années, l’équilibre démographique est bouleversé avec huit naissances sur dix de mères comoriennes et une population comptant désormais une majorité de ressortissants étrangers, la plupart de nationalité comorienne. L’une des causes profondes de cette crise mahoraise est donc politique.

La France a choisi de garder ce territoire dans son giron pour maintenir sa présence stratégique dans l’océan Indien. Elle doit aujourd’hui réaffirmer pleinement ce choix auprès des autorités comoriennes et apporter à la population mahoraise des réponses non seulement dans les domaines régaliens et de la lutte contre l’immigration clandestine, mais aussi en matière d’habitat, d’infrastructures, d’éducation, de santé, de développement économique et de préservation de l’environnement. Et, si l’on ne veut pas trahir les promesses de la départementalisation, d’accélérer le processus de convergence des droits sociaux et de la doter d’une gouvernance lui permettant d’exercer ses compétences départementales et régionales. La République ne saurait souffrir aucune exception.


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