Image du film de la Coupe du Monde de Football au Quatar. Image de la FIFA.

Qatar 2022, le Mondial de la honte !

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Les pays non démocratiques devraient-ils jouir du privilège d’accueillir les grands événements sportifs ?

Par Alberto Rodriguez Pérez
Publié le 24 novembre 2022

La question se pose quelques jours après le coup d’envoi de la Coupe du monde au Qatar dans le contexte le plus tendu qu’ait connu un événement sportif depuis quarante ans et l’absence de ferveur habituelle qui entoure cette compétition.

Écologie, droits de l’Homme, corruption… Lorsqu’en 2010 les pays occidentaux (en premier lieu la France) se sont laissés aveugler par le mirage qatari et ont désigné l’émirat, ils n’imaginaient pas qu’une telle chape de défiance pèserait sur le tournoi parmi les plus regardés de la planète. Déjà, la Coupe du monde de 2018, qui a vu la France triompher dans la Russie de Vladimir Poutine, avait généré suffisamment de rejet pour que la Fédération internationale de football (FIFA) repousse la candidature des nations ne garantissant pas les libertés publiques les plus élémentaires.

Mais rien de tout cela n’est arrivé. L’attribution controversée du tournoi au Qatar fut plus opaque que jamais. Les soupçons de corruption et d’achat de voix sont accablants et une information judiciaire a été ouverte en 2019 par le Parquet national financier. Dans ce micro-État (3 millions d’habitants à 90 % étrangers) riche à milliards, comparable en superficie à l’Île-de-France et sans aucune tradition footballistique, des milliers de travailleurs venus d’Asie sont morts dans des conditions inacceptables sur les chantiers des sept stades monumentaux appelés à peu servir par la suite. Le bilan écologique désastreux de cette phase finale de la Coupe du monde, avec notamment le gouffre énergétique de la climatisation de stades ouverts et aux vols internationaux qui acheminent le 1,2 million de spectateurs attendus, apparaît comme le parfait exemple de ce qu’il faudrait désormais éviter.

Le Mondial au Qatar met mal à l’aise. La décision d’interdire la vente de bières, incomparablement moins transcendantale que la répression pour des questions de genre ou l’imposition de normes de comportement et d’habillement pour les femmes, en dit long sur la soumission de la FIFA aux exigences de la théocratie qatarie. La Coupe du monde est un business, oui, et les Qataris ont payé plus que quiconque pour l’accueillir (220 milliards d’euros). De quoi reprogrammer toutes les compétitions et la célébrer pour la première fois au beau milieu d’une saison.

Mais oublions le cynisme de la FIFA, des fédérations nationales, de leurs dirigeants et des équipes qui y participent, et rappelons-nous que le football était autrefois plus qu’un sport. Que ses valeurs n’étaient pas seulement une devise bien intentionnée au bas du logo d’une équipe, mais plutôt des règles de conduite applicables à toutes les sphères de la vie.

Le Qatar, monarchie absolue régie par la charia, n’est pas la première dictature à accueillir une Coupe du monde. L’Italie de Mussolini l’a organisée en 1934, l’Argentine de Videla en 1978 et la Russie de Poutine en 2018. La Chine de Xi Jinping aspire, après les Jeux olympiques 2022, à préparer son Mondial comme outil de soft Power sportif.

Non ! Les autocraties ne devraient pas organiser de Coupe du monde. Il n’y a pas de plus grande menace pour les sociétés démocratiques que de considérer que tout jugement serait tributaire de la culture dont il est issu, de sorte qu’aucune considération morale universelle ne pourrait être établie. Lorsque cela est également employé pour blanchir ou enrichir une caste, le rejet doit être unanime. Le Qatar aurait pu trouver des compromis pour assurer la cohabitation entre le conservatisme de l’émirat et l’universalisme de sa population. Il n’en a tout simplement pas éprouvé l’utilité. La Coupe du monde 2022 est le Mondial de l’hypocrisie et de la honte. Et elle entrera ainsi dans l’histoire.

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