Le mécontentement social émerge en Chine

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Les manifestations contre la stratégie zéro Covid et le Parti communiste (PCC), inhabituelles dans la dictature chinoise, constituent des actes de courage dans un régime dominé par la répression.

Par Alberto Rodriguez Pérez
Publié le 24 novembre 2022

À peine un mois après le XXe Congrès du PCC, qui a donné à Xi Jinping un troisième mandat présidentiel, la Chine traverse son plus grand bouleversement politique depuis le printemps 1989. Il y a 33 ans, les jeunes étudiants occupent la place Tiananmen pour réclamer la démocratie et obtiennent en réponse une intervention militaire brutale.

Ces derniers jours, des milliers de manifestants, dans au moins dix grandes métropoles, sans distinction de professions ni de classes, sont descendus dans la rue pour dénoncer les confinements stricts imposés par la politique dite du zéro Covid qui verrouille la seconde économie mondiale depuis bientôt trois ans. Pages blanches à la main, fragile symbole contre la censure numérique, les manifestants exhibent pour la première fois le rejet des mesures anti-Covid et accusent le contrôle policier du régime autocratique.

Le mouvement actuel de désobéissance civile critique les méthodes d’application de la politique de santé, l’absence de transparence et le manque de libertés, de démocratie et de responsabilité des autorités. Il pointe les conséquences économiques désastreuses de certains confinements radicaux qui ont entraîné des déchaînements populaires dans diverses usines et industries durement réprimés. La politique de Xi Jinping s’est transformée en étendard fédérateur d’un front naissant qui exprime dans la rue, et à travers des vidéos postées sur la messagerie Weibo rapidement censurée, l’insurrection de la jeunesse contre le pouvoir absolu du Parti communiste.

L’étincelle qui a provoqué l’éclosion sociale est significative. Dix personnes confinées sont mortes dans l’incendie d’un immeuble à Urumqi, la capitale du Xinjiang. Toutes les victimes appartenaient à l’ethnie ouïghoure, naguère majoritaire dans la région, soumise par le régime à une politique d’assimilation, à une lente substitution par le peuple Han, et à des internements massifs pour modifier leurs comportements religieux, linguistiques ou encore leurs coutumes. Certains gouvernements et parlements occidentaux, dont la France, ont reconnu et condamné le génocide culturel des Ouïghours.

L’expérience répressive du régime chinois et surtout le souvenir du massacre de Tiananmen (Amnesty International avance le chiffre d’un millier de morts), au moment même où les frères communistes en Europe refusaient d’utiliser les armes contre les désirs démocratiques de leur population, font dorénavant craindre le pire. Il sera difficile pour Xi Jinping d’accepter l’échec de son monde rêvé, sa présidence à vie et ses prétentions à la supériorité du système autocratique aussi bien dans la gestion de l’économie que dans celle de la santé publique.

« On ne veut pas de PCR, on veut la liberté ! », le ras-le-bol sanitaire fait désormais place à la revendication politique. Les manifestations dans les usines et les bâtiments confinés par les vagues successives de Covid montrent la fatigue de la population soumise à des dépistages aléatoires systématiques et à des tests PCR en continu. La récente visite de Xi Jinping en Indonésie pour assister au G20 et la diffusion d’images d’un monde libéré des contrôles de la pandémie, notamment lors du Mondial au Qatar, alimentent des mobilisations et renforcent la méfiance à l’égard de la méthode officielle pour freiner l’épidémie et ses conséquences. Les signaux envoyés par le pouvoir laisseraient présager un assouplissement des mesures sanitaires pour apaiser la fronde. Cela suffira-t-il ?

Dénigrement des manifestants, arrestations, intimidations… En attendant, la redoutable et habituelle répression policière a déjà commencé.


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