Migrants, la raison d’être de l’Europe en question

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La nouvelle stratégie d’accueil sélectif des migrants du gouvernement italien constitue un précédent dangereux qui menace les fondements humanistes les plus élémentaires des démocraties occidentales et menace l’avenir de l’Union européenne.

Par Alberto Rodriguez Pérez
Publié le 17 novembre 2022

La présidente du conseil italien, issue de l’extrême droite, Giorgia Meloni, a décidé de fermer ses frontières aux migrants ramassés en mer par des navires d’ONG humanitaires et d’autoriser à débarquer sur le territoire italien exclusivement ceux qu’elle considère comme « les plus vulnérables », perpétrant de fait un clivage contraire aux conventions internationales et aux accords européens.

Pour les dix pays de l’Union européenne, dont la France et l’Espagne qui ont accepté depuis trois ans de se répartir les migrants reconnus comme candidats au droit d’asile, l’affaire Ocean Viking, navire humanitaire chargé de 234 passagers dont 57 enfants secourus en mer qui a fini par accoster à Toulon après une terrible errance de trois semaines, ne peut pas se résumer à un bras de fer franco-italien. Il n’y a pas de solution nationale à ce phénomène, le chacun pour soi ne peut pas marcher.

Il n’est pas possible de nier que la pression migratoire subie par les pays riverains de la Méditerranée dépasse de loin leur capacité à assister ceux qui sont accueillis. L’augmentation du nombre de migrants en raison des conflits qui règnent dans certains pays d’Afrique et de Moyen-Orient, tout autant que l’insécurité alimentaire et désormais l’accentuation du  dérèglement climatique, font que cette immigration irrégulière est devenue structurelle et qu’il nous appartient de la gérer tous ensemble. 

Il est également avéré que les gouvernements des pays de première entrée comme la Grèce, l’Italie, Malte ou l’Espagne souffrent davantage du mécontentement de leurs ressortissants face à la crainte d’une dégradation notable de l’État-providence due à la saturation d’infrastructures insuffisantes au regard des flux migratoires actuels. De plus, les appels de l’exécutif italien pour que les ONG se coordonnent avec les autorités lors de la réalisation des sauvetages et pour que le reste des pays de l’UE affichent un plus grand engagement pour relocaliser les migrants sont légitimes et doivent être sérieusement écoutés et pris en compte.

Le contrôle des frontières maritimes est de la responsabilité de toute l’Europe et pas uniquement des pays côtiers. La capacité d’absorption des flux migratoires est limitée, mais un changement de stratégie qui normaliserait l’asile arbitraire de certains demandeurs et le rejet d’autres serait totalement injustifiable en plus d’être contraire à la loi. Le respect des droits fondamentaux de tout être humain est une frontière infranchissable.

D’où l’impératif d’une reprise au plus tôt des travaux sur le Pacte européen sur la migration et l’asile présenté par la Commission européenne il y a déjà deux ans, mais qui n’est toujours pas voté au Parlement, et qui tente de conjuguer un meilleur contrôle des flux migratoires, une plus juste répartition entre les pays d’accueil et davantage de moyens pour traiter les demandes d’asile.

Les vingt-sept doivent examiner les retours d’expérience de l’Espagne notamment, qui voit les flux migratoires vers ses côtes baisser régulièrement depuis 2018 grâce à une coopération étroite avec le Maroc et une aide au développement avec les pays de transit situés plus au sud. 

Alors que l’extrême droite et la droite extrême font des migrants le bouc émissaire de tous les dysfonctionnements de la société, il faut rappeler que des hommes, des femmes et des enfants sont là, derrière les statistiques. Ils représentent un défi à l’unité de l’Europe qui appelle donc une réponse concertée.

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