Portrait de Louis de Redon

Louis De Redon Colombier, portrait d’un homme qui aime les écrits et la biodiversité

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C’est l’histoire d’un homme d’aujourd’hui. Passé tout récemment dans le camp des quadragénaires, il a tout pour être heureux : une femme intelligente et active, une fille ravissante et un travail (maître de conférences) qui en ferait rêver plus d’un. Mais en rentrant en politique, sans forcément maîtriser tous les codes, Louis de Redon Colombier file un mauvais coton.

Par Alberto Rodriguez Pérez
Publié le 2 juin 2021

Maître de conférences (Bac+8), Louis de Redon a passé une grande partie de sa vie dans les laboratoires de recherche à faire de l’identification de scarabées et des diagnoses d’orchidées. Sans maîtriser tous les codes, son entrée en politique lui vaut quelques mésaventures.

“Pour devenir un bon chercheur et enseigner sa discipline, il faut une expérience internationale, se confronter à d’autres laboratoires. Et quand on fait de la politique, il faut être expert en politique” témoigne le vice-président du conseil départemental. “Le combat est inégal entre les professionnels qui grenouillent dans le milieu, vont d’inauguration en vernissage, serrent des mains à longueur de journée… et les autres.”

“J’ai rencontré Jacqueline Gourault en 2002 lors de la compagne présidentielle de François Bayrou. Elle était accompagnée de Marc Fesneau, alors attaché parlementaire et de Marie-Hélène Millet. Il y avait aussi Maurice Leroy et Nicolas Perruchot. Cette grande famille du centre militait à l’UDF. J’ai suivi Jacqueline et Marc, mais, concentré sur mes études, je ne rentre en politique que bien plus tard.”

En 2012, ses mentors lui proposent de se présenter à la législative sur la 2e circonscription de Loir-et-Cher. Face à Patrice-Martin Lalande, Louis de Redon fait un score de 2,67 %. Mais l’enjeu est ailleurs. La campagne lui permet de bâtir un réseau en vue des municipales de 2014 à Romorantin. “On savait que Jeanny Lorgeoux était indéboulonnable, mais on travaillait pour le coup d’après. J’ai fait une campagne décomplexée, conscient que du haut de mes 32 ans je n’allais pas battre le lion de Sologne.

À toi la mairie à moi la « circo »…

Battu une seconde fois, il en tirera pourtant une grande leçon politique et une cause à défendre. “La droite dure voit d’un mauvais œil l’arrivée d’un jeune modéré venu perturber les équilibres. Une sorte de Yalta, d’accord tacite, à toi la mairie à moi la circo, que je n’ai pas tout de suite saisi et qui fait de moi, l’homme à abattre.”

“On m’a lancé, lors des municipales 2014, une première torpille sous forme de liste concurrente pour m’empêcher de prendre la mairie. Venu perturber le jeu, sans pour autant parvenir à se qualifier pour le second tour, José Leserre se voit parachuté depuis Neuilly-Plaisance à la tête de la liste de droite -Un maire pour Romo-.”

Pourtant, l’année suivante le travail de fond finit par l’emporter. Lors des départementales, le jeune De Redon fait basculer le canton de Romorantin-Lanthenay. Pour le récompenser, Maurice Leroy, à la tête du département, lui offre une vice-présidence. Il choisit l’environnement. “Un sujet en friche puisque la collectivité a peu de compétences dans ce domaine.”

J’écris sur la théorie des petits pas…

À l’heure des nouvelles échéances électorales, le tout premier vice-président environnement du département de Loir-et-Cher, revient sur son bilan. “Cela fait 20 ans que je travaille sur la biodiversité et maintenant ça commence à être un sujet. Ça percole, on avance ! Face à la rupture sociétale portée par les verts je défends l’écologie de transition. Tout ce qui est pris est bon. C’est pourquoi nous travaillons sur cette transition !”

Mais a-t-on réellement avancé au département ? “On a créé vingt-sept espaces naturels sensibles, des sites remarquables en biodiversité que l’on protège. Pour moi, sauvegarder la nature ce n’est pas exclure l’homme. Il y a donc une dimension d’éducation. Ces espaces accueillent cinq cent mille personnes par an, notamment des scolaires. L’étape suivante sera d’organiser des mobilités douces entre les sites naturels et les lieux patrimoniaux.”

Louis de Redon Colombier

“En tant que scientifique, je me rends compte à quel point les politiques ne vont pas assez loin, pas assez vite, face aux enjeux environnementaux.

Louis de Redon Colombier

“C’est un bon début. Tout comme la mise en place de l’agenda 2030 avec plusieurs centaines de mesures transversales sur l’ensemble des compétences du département. Un document prospectif qui encadre le papier de la photocopieuse, l’isolation des collèges ou encore les circuits courts à la cantine.”

“Enfin, la Dotation départementale d’aménagement durable (DDAD) permet de hausser les investissements des petites communes. Nous avons mis un million d’euros par an pour rendre viables des projets tels que l’isolation des bâtiments publics, la création des pistes cyclables et l’acculturation des élus.”

La méthode des petits pas ne l’empêche pas d’être lucide. “En tant que scientifique, je me rends compte à quel point les politiques ne vont pas assez loin, pas assez vite, face aux enjeux environnementaux. Mais le fait d’être à la manœuvre, de me confronter aux difficultés du terrain me rend moins donneur de leçons.”

C’est à la loi d’empêcher les combines politiciennes…

Et ce n’est pas en expert, puisqu’il a également fait des études juridiques ni pour rejouer le match qu’il a contesté l’élection municipale de 2020 à Romorantin.

Arguant que tous les deux sont Macron compatibles, le maire sortant lui aurait proposé un « deal » scellé sur une liste commune. En attendant une passation de pouvoir à mi-mandat, M. Lorgeoux conservait la mairie et la communauté de communes pendant trois ans et M. De Redon devenait premier adjoint, premier vice-président de la com-com tout en étant protégé sur son canton de Sologne. Sa contre-proposition sur la base d’une répartition des responsabilités en mode projet aurait été considérée comme insultante par M. Lorgeoux. Pour clore les échanges, ce denier l’aurait expulsé avec fracas de son bureau.

Je prends alors une seconde torpille sous forme de liste Les Républicains. Elle fera 300 voix de moins que celle de 2014, mais la faible participation (65 % en 2014, 42 % en 2020) permet son maintien. Jeanny Lorgeoux l’emporter dans une quadrangulaire..”

On ne refait pas le match ! Pourtant, le 3 juillet il dépose un recours devant le tribunal administratif d’Orléans pour obtenir l’annulation des premier et second tours. Celui-ci vise le parachutage de Raphaël Hougnon (poussé par Guillaume Peltier) et son enregistrement irrégulier et le candidat-maire accusé d’utiliser les moyens de la mairie pour promouvoir sa candidature.

“Il y a le droit, mais il y a aussi l’éthique, la morale. Je me suis engagé en politique pour défendre ce territoire anéanti par le départ de Matra à Romorantin et de Giat à Salbris.”
“La Sologne n’est pas un simple marchepied pour des élus ambitieux tels que Guillaume Peltier. Ce qui fait l’élection ce sont les accords en sous-marin des barons locaux pour se partager les responsabilités. Avec ces pratiques, on biaise l’élection, le poids des électeurs devient accessoire. C’est malsain pour la démocratie. Si ces barons arrivent à organiser des combines et des jeux d’arrière-boutique, c’est à la loi de venir l’en empêcher.”

“Ce n’est que de la politique ! c’est pourquoi je ne suis pas allé plus loin que la première instance. J’ai voulu envoyer un message en disant : ça suffit, laissez les électeurs choisir. J’aime les écrits, je crois à la mémoire, j’ai peut-être perdu, mais c’est aux archives.”

Sensibiliser les élus réfractaires à la biodiversité

Cette mise au point ne l’empêche pas de plaisanter lorsqu’il avoue concilier avec une certaine schizophrénie son rôle d’expert de la biodiversité et celui d’élu. “Il faut compartimenter les rôles. Quand je suis au labo, je travaille mon matériau, la protection de l’environnement. Et au département, je passe en mode action. Je ne parle plus à des étudiants, je m’adresse à des élus pour la plupart réfractaires aux questions environnementales. Il faut donc faire en sorte qu’en dépassant le budget pour la construction d’une nouvelle route, ce ne soit pas le crapauduc la variable d’ajustement.”

Celui qu’au sein de sa majorité certains considèrent encore comme le “casse-pied” écolo sera-t-il réélu au département ? Il y travaille ! Quoi qu’il en soit, l’expérience politique l’aura changé et aura enrichi sa façon d’enseigner. “Mes étudiants en master Agro-Tech travailleront pour beaucoup dans les services de l’État ou dans les collectivités territoriales. Désormais, je sais qu’ils vont parler à des élus souvent indifférents à la biodiversité. Des conseillers que pourtant, j’ai fini par conscientiser.”


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