Bivouac à Molodetschno dans la nuit du 3 au 4 décembre 1812 par Johannes Hari, peinture à l'huile hollandaise.. EVERETT COLLECTION

Dépouille du général Gudin, un rapatriement embarrassant pour l’État français ?

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Charles Étienne Gudin, général de l’Empereur, tué au combat en 1812 pendant la campagne de Russie, a été rapatrié en France, mardi 13 juillet. La ministre Geneviève Darrieussecq et l’ancien ministre Maurice Leroy, entourés de quelques figurants habillés en grognards de l’Empire, ont accueilli la dépouille dans l’une des salles du musée de l’Aviation. Une célébration minimale de la part de l’État français.

Par Alberto Rodriguez Pérez
Publié le 16 juillet 2021

La date avait été choisie avec soin. C’est en cette année de bicentenaire de la mort de Napoléon que la dépouille de Charles Étienne Gudin, général de l’Empereur, fauché par un boulet de canon lors de la bataille de Valoutina Gora, près de Smolensk en 1812 pendant la campagne de Russie, a été rapatriée en France, mardi 13 juillet. Un avion expressément affrété par le milliardaire russe Andreï Kozitsyn s’est posé en début d’après-midi à l’aéroport du Bourget.

Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants qui n’a prononcé aucun discours officiel, et quelques figurants habillés en grognards de l’Empire, ont accueilli le cortège dans un protocole tout en retenue et discrétion.

Une cérémonie programmée le 2 décembre devrait toutefois avoir lieu en présence du Premier ministre, Jean Castex, afin d’organiser le transfert de la dépouille du général aux Invalides. Ainsi, elle rejoindra le caveau des gouverneurs où reposent, notamment, le général Nivelle, le maréchal Juin et Rouget de Lisle, en attente de sa panthéonisation.

Pierre Malinowski, le sulfureux « archéologue » qui veut rapprocher Macron et Poutine

À l’origine du rapatriement du général montargois, Pierre Malinowski. C’est lui qui est à la tête de l’équipe d’archéologues franco-russes qui découvre la dépouille en juillet 2019.
À son sujet, le journal Le Monde affirme dans une enquête qu’il s’agit d’un autodidacte plus connu pour sa proximité avec Jean-Marie Le Pen (dont il a été assistant parlementaire à Bruxelles) que pour ses travaux historiques. Installé depuis 2017 à Moscou, il s’affiche aux côtés des autorités prorusses et joue des coudes pour s’attirer les bonnes grâces du Kremlin.

Fort de ses contacts, Pierre Malinowski se lance dans une bataille avec l’administration russe pour transformer le statut de la dépouille à l’intérêt historique évident en « membre d’une famille à rapatrier ». Pour ce faire, il crée la Fondation pour le développement des initiatives historiques franco-russes, avec l’appui d’Elizaveta Peskova, fille du porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, explique le quotidien. Il veut faire de l’archéologie une passerelle diplomatique entre Paris et Moscou.

Dès lors, il était question de faire du retour du général défunt un prétexte pour une rencontre au sommet entre le président russe, Vladimir Poutine, et Emmanuel Macron à l’issue d’une cérémonie aux Invalides, ajoute Le Monde. Mais la réputation de Pierre Malinowski et sa proximité avec Marion Maréchal-Le Pen, complique la donne. Et cela, en dépit de l’oreille réceptive trouvée dans l’entourage du chef de l’État français, de la part de l’un de ses plus anciens collaborateurs et conseiller pour les questions de mémoire, l’ancien journaliste Bruno Roger-Petit. Ce dernier avait secrètement invité la nièce de Marine Le Pen et figure de l’extrême droite identitaire dans un restaurant parisien le 14 octobre 2020. Un rendez-vous que Marion Maréchal n’a eu aucun problème à confirmer et que l’intéressé finira par qualifier de « personnel ».

Navalny, Ukraine, Syrie… l’idée d’un hommage au service du rapprochement franco-russe s’envole

Au-delà de cette globosphère extrémiste « incommodante » pour le gouvernement français, le retour du général Gudin a aussi été télescopé par les réalités géopolitiques. Le Covid-19 et l’empoisonnement de l’opposant Alexeï Navalny attribué aux services russes ont jeté un froid dans les relations franco-russes, faisant s’envoler l’idée d’un hommage au service du rapprochement entre la France et la Russie.

Voilà pourquoi parmi les passagers de l’avion posé au Bourget, aucun officiel français, mais deux anthropologues russe et français, deux descendants du général Gudi, le président de la chambre de commerce franco-russe, Emmanuel Quidet, et l’ancien ministre de la ville, membre du groupe d’amitié France-Russie de l’Assemblée nationale, Maurice Leroy, aujourd’hui chargé de gérer les projets du Grand Moscou.


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