Le Parlement, a-t-il retrouvé sa place ?

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Le budget rectificatif pour 2022 a été adopté jeudi 4 août par l’Assemblée nationale. Il complète la loi pour la protection du pouvoir d’achat et ses mesures d’urgence approuvées la veille. Avec ces deux textes et celui de la loi sanitaire, le gouvernement est parvenu à mener à bien son agenda préestival, malgré une majorité relative au Palais Bourbon et des oppositions parlementaires particulièrement tonitruantes.

Par Alberto Rodriguez Pérez
Publié le 11 août 2022

Après des semaines de sessions prolongées jusqu’au bout de la nuit ponctuées d’innombrables suspensions et des débats interminables, l’exécutif se félicite du vote de ces trois textes sans trop s’éloigner de leur version d’origine. Une victoire imputable à d’âpres négociations et des compromis, notamment avec Les Républicains (LR).

Depuis le début du quinquennat, la droite pèse sur les discussions, amendant avec fermeté les propositions de l’exécutif. Les élus LR, qui savourent leur fonction de charnière de la majorité présidentielle, mènent une « opposition constructive » dans un contexte politique difficile où « beaucoup de citoyens ne comprendraient pas que l’on bloque le pays », répètent-ils à l’envi.

Exclus d’office du champ des interlocuteurs par le gouvernement, comme ceux du Rassemblement national (RN), les députés de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) ont préféré jouer l’obstruction. Après la motion de censure déposée par La France Insoumise (LFI) avant même que la Première ministre prononce sa déclaration de politique générale, LFI poursuit sa stratégie coup d’éclat pratiqué lors du quinquennat précédent.

La formation de Jean-Luc Mélenchon, qui après avoir fait ses adieux au lendemain du premier tour de la présidentielle reste finalement omniprésent et continue d’exercer sa domination au sein du parti, s’efforce de paraître comme la première force d’opposition à Emmanuel Macron. Se partageant entre vote contre et abstention, ses coalisés de gauche la suivent sans ciller. Seul le Parti socialiste a voté la fin des mesures d’exception contre la Covid-19. 

En tant qu’observateurs, nous nous félicitons que l’Assemblée nationale redevienne le réceptacle des contestations qui traversent la société française. Ce retour en force du Parlement et du débat politique, hérité de la Révolution, implique quelquefois des exagérations improductives. Le Parti communiste des années 1960, l’extrême droite bonapartiste de la IIIe République ou encore l’extrême droite nationaliste très virulente dans les années 1900 en sont de parfaits exemples. Pour autant, cette mise en scène passionnée des divergences minimise le risque de coupure entre la représentation nationale et le pays. 

« Le Parlement parlemente — c’est son rôle —, et la philosophie générale fixée par le président est suivie — c’est très bien ainsi », abonde-t-on dans l’entourage d’Emmanuel Macron.

Malgré cela, rien n’assure que l’Hémicycle devienne l’épicentre de ce quinquennat débutant. Tout reposera sur la faculté des députés à inventer de nouvelles pratiques et à adopter des fonctionnements respectueux du pluralisme politique issu des élections législatives.

Les Français ont souhaité rétablir l’équilibre entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif dans une sorte de coproduction positive de la loi. Cela n’exclut pas les dissensus, les différences et les divergences. À partir de la ligne du groupe majoritaire, contraint d’abandonner le style Jupiterien, des capacités à réformer existent et des terrains d’entente sont possibles, y compris face aux questions explosives des réformes des retraites et de l’assurance-chômage, ou les sujets ayant trait à la sécurité et à l’immigration. Dans le cas contraire, l’Assemblée nationale se décrédibilisera et le regain parlementaire ne sera qu’un feu de paille.


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