« Flight tracking » : que fait-on des avions privés ?

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S’il existe un symbole du luxe dont seuls quelques élus peuvent en profiter, c’est celui de voler dans un jet privé. Nul besoin de s’adapter aux horaires des compagnies aériennes, pas d’attente dans la salle d’embarquement, libre choix de vos collations.

Par Alberto Rodriguez Pérez
Publié le 8 septembre 2022

Les vols privés permettent de décoller l’après-midi à Paris, pour dîner à Rome ou à Ibiza. Ils acheminent les people, dirigeants d’entreprises et politiques, vers diverses destinations en quelques heures sans perte de temps, contrairement au citoyen ordinaire, qui doit, lui, s’armer de patience dans les aéroports. À l’heure où le gouvernement appelle à la sobriété, l’utilisation de ces appareils, longtemps remise en cause pour des raisons environnementales et au bilan carbone des plus fortunés, interroge, indigne et affole le grand public.

La proposition du ministre délégué chargé des transports a alimenté le débat en Europe ces dernières semaines, au point que le sujet se fait désormais une place dans le débat politique. Clément Beaune s’est dit favorable à une « régulation » des vols en jets privés auprès du Parisien. « Il existe des motifs d’urgence, des impératifs économiques, mais ça ne peut pas être un mode de déplacement individuel de confort, alors que la mobilisation générale nécessite que tout le monde consente des efforts », a estimé le ministre, jugeant que ces vols devenaient « le symbole d’un effort à deux vitesses ».

« Les riches iront en jet au Qatar pour regarder des matchs de football dans des stades climatisés et ils nous demanderont de ne pas prendre de douches chaudes, car l’ère de l’abondance est révolue », déplore un tweet. Bien qu’un autre réponde : « Les jets contribuent à la connectivité, notamment lors de transports d’organes ou d’évacuation sanitaire et ne représentent que 0,1 % des émissions de CO2, moins que les voitures et les Data Centers ! ».

La guerre des données prédomine dans ce débat : combien de CO2 dégagent ces avions, combien paient les entreprises du secteur ? VallJet, premier opérateur française d’aviation d’affaires, a déclaré 12 890 tonnes de CO2 émises dans l’espace européen pour l’année 2021, l’équivalent de 1 430 fois l’empreinte carbone annuelle d’un Français moyen. Pour autant, « elle n’a pas compensé financièrement ses énormes émissions de gaz à effet de serre » sur le principe du pollueur-payeur, accusait Manon Aubry, députée européenne LFI. En effet, les avions privés ne relèvent, pour l’heure, du système européen d’échange de quotas de taxe carbone, appliqué uniquement aux compagnies aériennes commerciales.

D’autres twittos, politiques ou non, soulignent la nécessité de contextualiser le problème. Si les réacteurs étaient interdits, l’impact sur l’aviation serait limité : ils représentent 4 % des émissions d’un secteur qui atteint 2,4 % des émissions mondiales. Ces pourcentages peuvent sembler faibles, mais si l’industrie aéronautique était un pays, elle se classerait sixième parmi les plus polluants. De plus, ceux qui voyagent en jet privé (près de 1 % de la population mondiale) génèrent 50 % de ces émissions.

Des comptes comme @i_fly_Bernard, du nom du magnat du groupe de luxe LVMH, Bernard Arnault, tracent en ligne les voyages jets privés de grands groupes français (Bouygues, Bolloré, Artémis, Decaux et Arnault) et rendent compte quotidiennement de leurs allées et venues. Parmi les plus populaires figure celui de Jack Sweeney, célèbre pour avoir utilisé des robots pour suivre les avions privés de certains oligarques russes ou des milliardaires comme Jeff Bezos (Amazon) ou Elon Musk (Tesla). De Kylie Jenner, sœur de Kim Kardashian, à Taylor Swift, en passant par la Miss France Diane Leyre ou encore le club de football du Paris Saint-Germain (PSG), tous doivent désormais rendre des comptes de leurs déplacements en avion privé. Un mode de vie en totale contradiction avec leurs prises de position écologistes.


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