Épidémie sociale : pause plutôt que fracture

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Aucune réforme des retraites qui relève l’âge de départ n’est populaire, mais celle promue par Emmanuel Macron a déclenché un mouvement social inhabituel.

Par Alberto Rodriguez Pérez
Publié le 31 mars 2023

Il faudrait être aveugle pour ne pas voir que le pays a basculé dans un nouvel épisode dangereux. Les autorités font face à un blocus politique, à des manifestations pacifiques multiples et massives. A cela s’ajoutent des actions violentes d’une minorité de protestataires ponctuées d’accusations de violences policières en raison de l’agressivité des interventions au cœur de la stratégie française de maintien de l’ordre.

Des incidents et des brutalités, condamnés par l’intersyndicale, ont éclaté en marge des cortèges. Des blessés sont à déplorer. Des bâtiments publics ont été endommagés. Après avoir adopté la réforme par décret et surmontée deux motions de censure, la loi attend l’avis du Conseil constitutionnel. Avec une mobilisation pourtant en reflux, la fin des tensions n’est pas en vue.

Dans ce contexte dangereux, Laurent Berger, qui apparaissait jusqu’à présent comme un des opposants irréductibles, a appelé à l’apaisement. Avec quelques députés macronistes, le secrétaire général du syndicat CFDT propose de mettre la réforme sur « pause ». Le terme est suffisamment ambigu pour réamorcer le dialogue et rassembler les artisans d’un compromis autour de la table. Le chef de l’État n’y est visiblement pas encore prêt, mais il ferait bien de les écouter et d’ouvrir de toute urgence la discussion avec les syndicalistes et l’opposition centre droit et centre gauche. Beaucoup d’options deviennent possibles dès lors qu’il renonce à faire du report immédiat de l’âge de départ l’alpha et l’oméga de son quinquennat.

La France n’est évidemment pas le seul pays d’Europe à connaître des querelles politiques et des contestations sociales. Mais il est l’un des rares où le recours à la violence apparaît comme un passage récurrent pour les régler.

Reprendre les choses à l’endroit

Personne ne sort indemne des mesures impopulaires qui affectent l’État-providence et l’extrême droite de Marine Le Pen espère récolter les fruits du mécontentement. Emmanuel Macron a maintenant découvert que, dans une démocratie, il ne suffit pas de tenir une promesse, ni de suivre les procédures constitutionnelles, ni même d’avoir raison. Vous devez convaincre, et lui et son exécutif, n’ont pas réussi. Le président paie le mépris et l’arrogance avec lesquels il a traité parfois les syndicats.

Son incapacité à nouer des alliances après avoir été mis en minorité à l’Assemblée nationale, et l’obstructionnisme d’une opposition dominée par l’extrême droite et la gauche anticapitaliste ont conduit à une voie de sortie difficile. Dans le système présidentiel de la Ve République, où le chef de l’État concentre plus de pouvoirs que n’importe quel autre souverain occidental, la situation devient explosive. Cette triple crise, politique, sociale et institutionnelle, demandera au président une plus grande habileté que celle qu’il a montrée jusqu’à présent.

Pourtant, avant de songer au renouveau, il est impératif de rendre au pays l’ordre public. L’État doit se recentrer sur sa mission essentielle. Fidèle à sa vocation régalienne, il doit bâtir des services publics pour garantir le bien commun et non pas engloutir les prélèvements obligatoires et les dépenses publiques dans les transferts sociaux. Et parmi les services régaliens, le plus important en temps de crise, c’est celui de garantir notre sécurité.


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