Caroline Janvier : « soyez fiers d’être des amateurs »

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Après quatre années marquées par les crises, des « Gilets jaunes » à la pandémie de Covid-19, La République en marche (LREM) avance vers l’inconnu, bien loin de l’élan et de l’enthousiasme de 2017. Ainsi s’ouvre la période des doutes et des premiers bilans avant de se présenter devant les électeurs en 2022. Caroline Janvier, député de la 2e circonscription du Loiret, revient sur les promesses d’origine du macronisme.

Par Alberto Rodriguez Pérez
Publié le 3 octobre 2021

Dans les comités locaux, LREM a d’abord attiré des citoyens n’ayant jamais été encartés dans un parti. Cadres supérieurs, diplômés, représentants d’une France qui va bien. « Et de bonne volonté », ajoute Caroline Janvier. Des nouveaux militants et des primo-députés souvent sans la moindre culture politique. « Soyez fiers d’être des amateurs », les encourage même Emmanuel Macron.

Pour la plupart des 300 députés macronistes, dont une majorité de débutants, il faut bien parler d’ascension fulgurante. Remontons quatre années en arrière, Caroline Janvier, alors 35 ans, était considérée par ses pairs comme une novice en politique. Diplômée de Sciences Po sur le campus de Dijon Mme Janvier a travaillé six années dans le secteur social.

Elle-même le reconnaît : « trois jours après l’ouverture de la campagne, ma candidature aux élections législatives de 2017 est retenue par la Commission nationale d’investiture de LREM en remplacement du référent départemental pour le Loiret, Emmanuel Constantin, après que celui-ci a été déclaré inéligible. »

Emportée par la vague Macron, la voici propulsée à l’Assemblée Nationale succédant au candidat sortant Les Républicains et maire d’Orléans, Serge Grouard. « Et pour le coup, c’est une fois élue que j’ai mesuré l’importance et la responsabilité de ce mandat. Je devais dès lors, mériter ma place et répondre aux attentes des électeurs portées sur le renouveau des pratiques et des visages. »

« Fière » de ses nouvelles responsabilités, Caroline Janvier note : « Je veux être jugée sur mon engagement et mes actions ». Pour cela, elle amende des projets de lois, participe à des multiples missions flash et commissions d’enquête et d’information et accompagne même le Président lors de son déplacement à Saint-Pétersbourg en 2018. « J’ai l’impression d’avoir pleinement utilisé la palette d’instruments au service du parlementaire. »

Jeunesse, renouvellement, consensus…

Très vite, la trentenaire a tracé son chemin, assumant ses engagements au sein de la commission des affaires sociales, comme présidente du groupe d’amitié France-Russie ou encore en acceptant d’être rapporteur de la Mission d’information cannabis.

« Dans les questions d’ordre législatif, j’ai beaucoup travaillé sur le handicap et je suis assez fière de l’amendement qui impose de traduire en langue des signes (LSF) les communications publiques importantes. Je suis à l’origine de l’amendement correspondant à la création du Label Handicap. Sur le sujet de l’autonomie, j’ai participé à revaloriser les rémunérations des aides à domicile. Un sujet qui me tenait à cœur, car c’est un métier que j’ai exercé pendant mes études. »
« En tant que rapporteur de la mission d’information sur le cannabis (dont elle défend la légalisation, NDLR), je déplore que nous n’ayons pas réussi à faire évoluer la loi. Pour autant, nous avons ouvert un débat public sur le sujet et nous avons posé les jalons d’une réflexion dépourvue de passion politique. »

Cannabis, libertés publiques, handicap… Caroline Janvier bouscule ses camarades en montant souvent au créneau sur des sujets sociétaux. © ARP
Cannabis, libertés publiques, handicap… Caroline Janvier bouscule ses camarades en montant souvent au créneau sur des sujets sociétaux. © ARP

Voilà pour l’Assemblée. En circonscription, l’élue a compris rapidement qu’il fallait que la nouvelle génération de politiques dont elle fait partie, invente un modèle différent de gestion des territoires alliant transition écologique et lutte contre les inégalités sociales. « Je crois au dialogue et au consensus. J’ai essayé de faire travailler ensemble les acteurs du territoire notamment dans le cadre de la loi EGalim. Ainsi, nous avons sensibilisé les agriculteurs, les écologistes et les élus locaux sur la nécessité de trouver une voie médiane pour éviter l’impasse. »

Avec une culture du débat très forte, il ne faut pourtant pas se fier à sa bonne humeur, dont elle ne se départit jamais, ni à son abord sympathique. Caroline Janvier bouscule aussi ses camarades en montant souvent au créneau sur des sujets sociétaux. Loin de l’image de « député Playmobil » soutenant les textes de l’exécutif sans broncher, elle vote contre la loi de sécurité globale et s’abstient lors de la proposition de loi dite « anti-casseurs ».

« Ces deux votes concernaient les libertés publiques auxquelles je suis attachée. Autoriser le préfet d’interdire aux citoyens de manifester, c’est les priver ainsi d’une liberté essentielle, d’une sorte de contrepouvoir. Et cela est inacceptable ».
« Sur la loi de sécurité globale, prohiber aux journalistes de photographier les policiers, c’était une atteinte à la liberté de la presse. » Mais, en revanche, s’empresse-t-elle de pondérer, « je ne me suis pas abstenue sur la loi sur l’immigration maîtrisée. » 

Avec Macron, en marche pour un second mandat ?

En ce dernier semestre du quinquennat, alors que les cadres LREM s’occupent déjà de donner corps à la candidature d’Emmanuel Macron, l’élue veut poser les sujets de fond et valoriser le bilan en vue de l’élection présidentielle d’abord, puis de sa propre réélection.

« Ma conviction est que nous avons réalisé une très grande partie de notre projet politique. Certes, nous n’avons pas réformé la Constitution et les retraites, mais nous avons modernisé le Code du travail, légiféré sur les relations commerciales dans le secteur agricole, la rénovation de la vie publique ou encore la formation. Notre groupe parlementaire a mené un travail rigoureux. Pendant les deux premières années de mandat, nous avons voté des lois et nous les avons appliquées de façon méthodique et consciencieuse. Nous avons beaucoup fait sans pour autant atteindre toujours les objectifs. Un deuxième mandat permettrait d’aller plus loin et de réconcilier les Français avec la politique. »

Voilà donc le bilan d’une majorité désormais familière avec « les codes de la politique ». Mais finalement, une majorité à l’ascension fulgurante dont le seul dénominateur commun après ces quatre années, semble être Emmanuel Macron.

« Ma décision de briguer un nouveau mandat n’est pas arrêtée. J’ai bien conscience que ma situation est liée à celle du Chef de l’État. Et je sais aussi que la plupart des électeurs de ma circonscription n’ont la moindre idée de qui je suis ! Je prends beaucoup de temps pour partager et communiquer en espérant que les Loirétains s’intéressent à mon action. Malgré cela, j’entends quelquefois que le nouveau monde est pire que l’ancien et cette défiance vis-à-vis du politique, cette abstention grandissante, sont un poison pour notre démocratie. »

« Et c’est avec la sincérité dans l’engagement, en assumant ses positions, partagées ou non, que l’on intéresse les citoyens. C’est mon objectif. Du moment où vous élisez une inconnue, il me paraît juste qu’elle exprime librement sa pensée et qu’elle assume ses idées. »


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