L’économie mangera-t-elle l’histoire ?

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Les rendez-vous de l’Histoire auront lieu du 8 au 11 octobre à Blois. Rien de nouveau dans la forme, si ce n’est la deuxième édition de L’économie aux Rendez-vous de l’Histoire. Cet événement dans l’événement, qui influence le financement du festival, pourrait-il faire passer, à terme, la thématique historie au second plan ? Pas si sûr…

Par Alberto Rodriguez Pérez
Publié le 6 octobre 2015

La XVIIIe édition des Rendezvous de l’histoire de Blois se tiendra du 8 au 11 octobre sur le thème des Empires. « C’est indéniablement un vrai sujet d’histoire, d’histoire économique, d’histoire politique bien évidemment et d’histoire sociale », appui en spécialiste Francis Chevrier. Occupé à valider les dernières épreuves du programme 2015 qui envahissent son bureau, le président et principal artisan du festival ne repère « rien de bien neuf dans la forme ». Si ce n’est, peut-être, la deuxième édition de L’économie aux Rendez-vous de l’histoire.

« Nous avions ouvert l’un passé un chapitre économique » tient-il à rappeler. « Sans doute, l’esprit du moment, la crise, nous avait fait remarquer la curiosité du public par ces sujets. Toute une série de débats et conférences ont donc été organisés autour de grands enjeux économiques en partenariat avec les chambres de commerce de la région. Nous remettons le couvert cette année, parce que cela a très bien marché. Pour autant, le chapitre économique ne prend pas plus d’ampleur, assure le président. Le format choisi reste le même, mais c’est clair que l’on souhaite transformer l’essai et poursuivre dans la durée avec cette idée de traiter aussi des questions économiques examinées sur la longue durée. L’objectif est d’utiliser les ressources de l’histoire pour traiter les questions économiques du moment. »

Francis Chevrier, directeur des Rendez-vous de l'histoire
Francis Chevrier, directeur des Rendez-vous de l’Histoire de Blois. ©ARP

Le mécénat privé on va le chercher avec les dents

Francis Chevrier reconnaît néanmoins que L’économie aux Rendez-vous de l’histoire contribue à fidéliser certains mécènes et souligne davantage, pour les entreprises, l’intérêt à soutenir la manifestation. Une donnée à prendre en compte quand on pose la question du financement du festival. Car, « notre souhait est de maintenir une manifestation totalement gratuite, de très haute qualité et ouverte à tous, rappelle le président. Ce qui est le cas sauf pour certaines séances de cinéma dites commerciales. Pour parvenir à cette gratuité, nous avons le soutien des financeurs publics dont les aides sont globalement maintenues. Mais cela ne suffit plus et nous recherchons en permanence de nouvelles ressources. Le mécénat privé en fait partie, mais nous allons le chercher avec les dents… Il n’est pas facile en cette période compliquée de convaincre des entreprises de consacrer de l’argent à une manifestation comme la nôtre. »

Dans ce contexte, la question de détacher Histoire et Économie a été posée. « L’interrogation existe, continue Francis Chevrier. L’économie reste un pôle au sein des Rendez-vous de l’histoire qui n’a pour l’instant, vocation à se détacher. Moi je n’en vois pas l’utilité et scinder les deux ne serait, à mes yeux, pas très efficient. Je ne voudrais pas non plus que la dimension économique empiète progressivement sur le reste de la manifestation. Celle-ci doit demeurer un grand festival d’histoire, le grand rendez-vous annuel des historiens. »

« Pour preuve, poursuit-il, le très vaste programme de cette année sous le thème des Empires. » Une thématique plus consensuelle que celle de l’an passé. Rappelons qu’en 2014 la présence du philosophe et historien Marcel Gauchet, invité à prononcer la conférence inaugurale sous le signe des rebelles avait suscité l’indignation de plusieurs intellectuels. Un appel au boycott avait été lancé par Édouard Louis auteur du roman Eddy Bellegueule et le philosophe Geoffroy de Lagasnerie. « Cette année, tout à l’air plus calme, sourit Francis Chevrier. Les empires nous placent dans un autre registre et il n’y devrait pas y avoir de polémique… »

Lire aussi : Au programme des Rendez-vous de l’histoire

Sans débat public engagé et sans grande nouveauté au programme, notre attention se porte sur les personnalités présentes et sur le Live magazine. Ce dernier, sorte de journal vivant, devrait constituer un moment pour le moins amusant. Cette performance suggérée par Emmanuel Lorentin, animateur sur France Culture mettra en scène une quinzaine d’historiens pour une représentation unique à la Maison de la Magie. Lors de celle-ci haque intervenant racontera un moment important de son parcours d’historien. Une expérience déjà testé, avec un certain succès, par de journalistes parisiens.

De Cannes à Blois, Une histoire de fou

Quelques moments forts sont par ailleurs pévus, avec notamment le réalisateur Robert Guédiguian, autrefois président du cycle cinéma, venu présenter en avant-première Une histoire de fou. Son film, sélectionné hors compétition au Festival de Cannes 2015, et dont la sortie est prévue le 11 novembre, fait dialoguer mémoire et justice autour du génocide des Arméniens. Cette projection s’inscrit dans une programmation plus large sur la mémoire arménienne avec plusieurs débats et conférences au menu.

Histoire et grandes causes également avec le long combat du couple Klarsfeld et leur action militante pour la reconnaissance de la Shoah. Grands témoins au Salon du livre, Beate et Serge Klarsfeld présenteront leur dernier ouvrage, Mémoires, une réflexion sur l’engagement, l’impunité et la responsabilité.

Enfin, le spécialiste de géopolitique Bernard Guetta présidera cette XVIIIe édition et prononcera la conférence de clôture. Journaliste-chroniqueur sur France Inter et prix Albert Londres en 1981, l’éditorialiste le plus écouté de France est un visiteur assidu du festival. « Le thème des empires était idéal pour lui », rappelle Francis Chevrier. C’est aussi une sorte de clin d’œil à Radio France, un partenaire de la première heure des Rendez-vous de l’histoire. »


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