Jean-Michel Aubert

Vignerons de Mont-Près-Chambord, la coopérative relancée

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Seule coopérative de l’appellation Cheverny, les vignerons de Mont-Près-Chambord représentent un quart de la production de l’AOC. Créée en 1931 elle est désormais bien loin de l’époque ou chaque vigneron apportait ses raisins pour être mélangés et vinifiés ensemble. « Vinification par Domaine » et « œnotourisme », voilà les nouveaux axes de développement de la coopérative.

Par Alberto Rodriguez Pérez
Publié le 21 janvier 2016

« Vous êtes là pour 24 mois, ça va fermer ! » C’est avec ces mots que Pierre Mandard, président de la Cave de Mont-Près, accueille Jean-Michel Aubert, le jeune directeur qu’il venait de recruter en 1986. Guère engageant. Mais après des études d’œnologie à Montray-Bellay dans le Saumurois, un DUT commerce en poche et quelques courtes expériences professionnelles dont deux ans à Mâcon en Bourgone, Jean-Michel Aubert était bien décidé à entamer avec passion ce nouveau challenge : sauver la cave coopérative.

« Je me suis dit que je devais faire quelque chose. Je trouvais le bâtiment très beau, les gens charmants et je ne pouvais pas me résigner à laisser mourir ce rêve collectif né en 1931 », explique aujourd’hui le directeur. La bâtisse, typique de l’architecture du mouvement coopératif du début du XX siècle, avec son impressionnante charpente type Eiffel, charme toujours par son côté vieillot et ses parois maculées.

Profondément imprégné de l’esprit coopérative, Jean-Michel a convaincu son président d’ouvrir la maison aux vignerons du coin prenant son bâton de pèlerin et multiplie les réunions dans les communes limitrophes pour recruter des sociétaires. « Tout a changé avec le lancement de l’AOC et avec l’ouverture de la cave », explique-t-il. « Cela nous a permis d’avoir enfin un encépagement classique pour la région, sauvignon, chardonnay, pinot noir et gamay. »

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Lorsqu’en 1994, il s’en est allé vivre sa vie à Jasnières dans la vallée du Loir, où il a fondé le Domaine Aubert-De Rycke, la coopérative compte des sociétaires dans toutes les communes de l’AOC. De Saint-Claude jusqu’à Sambin, en passant par Fougères, Fresnes, Feing, Cour-Cheverny, Saint-Claude, Huisseau… les viticulteurs livraient alors leur récolte à la coopérative. Un commercial fut recruté et les ventes hors région démarraient. Le pari est gagné.

L’œnotourisme, nouvelle source de profits

Les bouleversements de la vie firent que Jean-Michel Aubert retourna à Mont-Près-Chambord en 2013. Cette fois encore, il s’impose des nouveaux challenges. Faire de la cave un lieu de vie, créer une interaction entre le vin et la culture et entamer le passage vers l’agriculture raisonnée et à terme, le bio. Idéalement située au milieu du triangle Blois, Chambord, Cheverny, la cave reçut de plus en plus de visiteurs, clients et touristes. « Nous avons investi 500 000 euros pour agrandir le caveau de vente et accueillir tout ce monde dans les meilleures conditions avec une augmentation immédiate de nos ventes directes. Les opérateurs touristiques nous demandaient également un endroit pour faire un break entre deux visites de châteaux. »

Pour protéger son environnement immédiat, la coopérative achète la parcelle accolée, en plein cœur de la zone industrielle du Champ Chardon avec pour objectif de planter des pieds de vigne et proposer aux visiteurs des parcours immersifs dans le futur vignoble. Pour boucler le projet, l’amélioration de l’accessibilité et la mise aux normes de la cave à barriques sont désormais envisagées. Ainsi, il sera proposé aux visiteurs, une expérience globale comprenant la visite du vignoble, du chai, de la cave à barriques et la dégustation. « Nous espérons qu’après la dégustation en bonne et due forme, les visiteurs repartiront avec un carton dans le coffre de leur voiture. »

Coopérative rime désormais avec singularité

Aujourd’hui, l’autre grand chantier de Jean-Michel Aubert, c’est la vinification par domaine. Dès son arrivée, il a encourage la sélection parcellaire permettant de vinifier séparément des cuvées propres à chaque terroir. Les terres sablonneuses de Jean-Luc Gendrier, le premier à se lancer, donnent des rouges fins et élégants. À Chitenay, chez Jean-Michel Courtiou, le terrain argileux produit des vins plus puissants, plus riches. Au Clos de Nozieux, huit hectares entourés de murs avec du petit gravier, c’est un vin blanc très minéral et fruité. « On appelle ça notre Sancerre », confie le directeur.

L’avenir est donc prometteur. La coopérative compte vingt sociétaires avec une moyenne d’âge de 40 ans. Avec chacun son identité, son savoir-faire, son encépagement et son terroir. « La cave ne doit être que le révélateur de leur travail, à travers des cuvées spécifiques ou des cuvées regroupant tous les viticulteurs », poursuit le directeur. Pour améliorer la qualité et les rendements, le travail se fait en culture raisonnée et un groupe de travail a été monté avec des techniciens de la Chambre d’agriculture et des œnologues.

Aujourd’hui si vous passez à Mont-Près Chambord, vous aurez le choix entre les Cheverny blanc, rosé et rouge, les Cour-Cheverny, 100 % Romorantin en sec, demi-sec et moelleux. Sans oublier le Crémant de Loire, vendangé à la main en cagettes que l’on ramène directement jusqu’au pressoir. Une petite production qui respecte le raisin. Le tout à des tarifs 20 % moins chers qu’ailleurs dans l’AOC.

Avec 750 000 bouteilles par an, écoulées en vente directe, en grande distribution et à l’export, la coopérative de Mont-Près Chambord s’en sort très bien. Jean-Michel Aubert restera dans son histoire comme l’homme de l’ouverture et du retour au terroir.


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