Emmanuel Macron interpellé par un jeune militant au sujet du climat

Macron, à quoi tu sers ?

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Échange houleux dans les allées du Salon international de l’agriculture ce samedi 25 février en pleine visite d’Emmanuel Macron. Le chef de l’État a été vivement interpellé par un militant pour le climat. Habillé d’un T-shirt barré d’un « À quoi tu sers ? », le jeune homme, passant au vouvoiement à l’oral, a reproché à Emmanuel Macron son inaction sur le climat.

Par Alberto Rodriguez Pérez
Publié le 2 mars 2023

Le 59e Salon de l’agriculture se tient alors que des projections alarmistes font craindre un été 2023 encore plus sec que le précédent. L’année 2022 a montré combien l’agriculture et nos systèmes alimentaires sont d’ores et déjà fragilisés par le réchauffement climatique. Le manque d’eau, les fortes chaleurs et la puissance des rayonnements solaires ont perturbé l’élevage et les cultures. Ces difficultés se renouvelleront dans les années qui viennent ; plus le climat se déréglera, plus elles seront sévères. De quoi inquiéter autant les agriculteurs que les militants du climat.

Pour autant, à la plus grande ferme de France, porte de Versailles à Paris, la « food industry » se présente sous un maquillage de paysannerie idéalisée, laissant croire aux visiteurs que les choses sont sous contrôle. Or, il n’y a aucun signe de changement du système agricole et alimentaire pour le rendre plus résilient et équitable. La petite exploitation familiale, modèle classique qui s’est imposé comme la forme « traditionnelle » de l’activité agricole, ne fait plus le poids.

La moitié des exploitants encore en activité partira d’ici à 2030, et seulement un tiers d’entre eux déclare avoir un successeur. Cependant, il arrive souvent que, faute de repreneur familial, une ferme soit récupérée par un voisin désireux de s’étendre. Logiquement, la taille des exploitations augmente donc, avec une moyenne de 69 hectares. Aujourd’hui, la France est d’abord une terre de grandes cultures, avec 112 000 exploitations spécialisées. Viennent ensuite la viticulture et ses 59 000 exploitants. Les producteurs de viande bovine (48 000), quant à eux, se classent en troisième position. Sans surprise, ce sont les petites fermes qui disparaissent.

L’agriculture française souffre de plus en plus. En moins de dix ans, notre balance commerciale agricole est passée d’un excédent de 6 milliards d’euros à un déficit de 300 millions. Aujourd’hui, la France achète un poulet sur deux à l’étranger, importe 40 % de ses légumes et 60 % de ses fruits. Des menaces pèsent sur le modèle français : accords internationaux sans « clauses miroir », c’est-à-dire sans demander aux pays exportateurs d’avoir les mêmes normes que celles appliquées en Europe (comme celui négocié avec le Mercosur) ; directives européennes ; réforme de l’assurance-récolte ; hausse des prix dans les prochains mois, après l’échec des pourparlers annuels entre industriels et grande distribution. L’excellence française est loin de garantir la souveraineté alimentaire mise au goût du jour après la crise sanitaire et relancée par les répercussions de la guerre en Ukraine.

Toute la question est désormais de savoir comment déclencher un mouvement général de l’agriculture française pour résoudre ces problématiques. Climat, biodiversité, nous sommes face à des enjeux systémiques qui exigent une métamorphose des pratiques agricoles et alimentaires, et non une simple adaptation technique au cas par cas. L’agriculture conventionnelle a besoin d’une mutation globale, pas de « volet climat » ou de mesurettes « agroenvironnementales ».

Emmanuel Macron a promis qu’une grande loi d’orientation serait présentée cet été. Elle doit relever le défi du renouvellement de l’ensemble des actifs et le remplacement des chefs d’exploitation. D’autres priorités s’imposent : une meilleure gestion des prélèvements d’eau, la réduction des produits phytosanitaires et le souci du bien-être animal. C’est peut-être à cela que servira le président.


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