L’Iran se réveille contre la tyrannie

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Le mouvement de contestation en Iran après la mort de Masha Amini, la jeune femme arrêtée par la Police des mœurs pour port « incorrect » du foulard islamique et morte pendant sa garde à vue, représente un défi majeur pour le régime des ayatollahs, au pouvoir depuis 1979.

Par Alberto Rodriguez Pérez
Publié le 13 octobre 2022

Cette dictature théocratique a répondu en réprimant les rassemblements avec une brutalité inouïe. Depuis le 16 septembre, plus de 150 personnes auraient été tuées par balle, battues et jetées des toits, des centaines d’autres blessées et des milliers arrêtées, selon l’organisation non gouvernementale Iran Human Rights, dont la fiabilité a été reconnue par les Nations Unies. Cette folie meurtrière, face à la plus longue vague de protestations qu’ait connue le régime clérical iranien en quarante-trois ans, révèle sa nature profonde, un pouvoir sclérosé, violent, corrompu et irréformable.

La discrimination systémique des femmes, la surveillance et la persécution de celles que tout fonctionnaire considère comme ne respectant pas les normes dictées par les clercs et l’impunité dont bénéficient celles qui exercent leur autorité avec une brutalité totale, ont été le catalyseur d’une mobilisation citoyenne qui reflète tout autant le rejet de la maltraitance que celui du système théocratique. Aux cris de « Femmes, vie, liberté » des manifestants s’est ajouté celui de « Mort au dictateur », en référence à l’ayatollah Ali Khamenei, successeur depuis 1989 de l’ayatollah Khomeiny. Les décisions du « Guide suprême » sont sans appel dans un système où le clergé chiite et le corps paramilitaire des gardiens de la révolution exercent le pouvoir politique et économique et le contrôle social pour imposer le hidjab, étendard de l’islamisme.

Suivant le manuel du parfait dictateur, le régime a essayé de minimiser la répression. Les proches des victimes sont contraints d’enterrer leurs défunts la nuit et en privé, et l’ONU a dénoncé la coupure des communications afin de neutraliser les réseaux sociaux, véritable courroie de transmission du mécontentement d’une population iranienne très jeune qui n’accepte pas facilement ce qu’on lui dicte.

Ce n’est pas la première fois que le gouvernement est confronté à cette situation. Il y a eu des soulèvements populaires en novembre 2019, en juillet 2021 et en mai dernier. Il y a une prise de conscience généralisée de la jeunesse qui, selon les mots de Shirin Ebadi, lauréate du Prix Nobel de la paix en 2003 pour sa défense de la démocratie et des droits des femmes, « s’était réfugiée dans l’indifférence et s’est enfin réveillée ». Face à ce vent de colère qui souffle dans la République islamique, le retard et le ton de la réaction occidentale sont désolants.

Les gouvernements européens, dont la France, ont mis beaucoup du temps pour condamner plus ou moins fermement la « répression violente » des manifestations. En pratique, ils ne sont pas allés au-delà d’appeler « l’Iran à cesser cette répression brutale ». Et c’est d’autant plus décevant que l’Occident a fait du combat pour la dignité des femmes une priorité.

Quand les femmes iraniennes risquent leur intégrité en retirant leur voile dans la rue et dans les lycées et publient leurs photos sur les réseaux sociaux, elles devraient se sentir soutenues par des millions de personnes à travers le monde et par l’engagement réel des exécutifs occidentaux.


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