Le château de Selles-sur-Cher en mode Geek

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Organisé chaque année à Selles-sur-Cher, le festival Geek Faëries s’est déroulé le premier week-end de juin. Huit mille personnes, cosplayers, obsédés d’histoire médiévale et de retrogaming et Youtubeurs de renom, ont investi ce site patrimonial, fief des époux Mazzesi, abritant des pavillons renaissance et un château du Moyen Âge.

Par Alberto Rodriguez Pérez
Publié le 30 juillet 2018

Sur la carte des festivals, les Geek Faëries sont un événement assez singulier. Chaque été, les geeks, cette frange de la population passionnée de science-fiction, jeux vidéo et hardware informatique, fait le pèlerinage au Château de Selles-sur-Cher. Pendant trois jours, ils sont près de 8 000 à délaisser leur clavier pour aller échanger dans la « vraie vie » avec des amis intimes qu’ils n’ont jamais rencontrés et discuter avec les grands maîtres de leur univers. Au festival Geek Faëries, on croise des cosplayers, des fondus d’histoire médiévale et de retrogaming ou encore des Youtubeurs reconnus…

Entre combats homériques à l’épée grandeur nature, des concerts et un vaste marché de l’artisanat d’inspiration heroïc fantasy, le virtuel rejoint la réalité. Pour exemple les matchs de Quidditch, le sport de haute voltige sorti de la saga Harry Potter. L’événement se déroule sur fond de logiciels libres, escape game, jeux de rôle, magik zone, forum IRL (in real life) et autres espaces retro computing. Mais les Geek Faëries sont avant tout une philosophie animée par la passion du jeu.

« Un univers et des valeurs bien à part », insiste Naya Bié, cofondatrice du festival après avoir connu le web à ses balbutiements. « D’un côté, il y a la Tech, l’informatique et le numérique. De l’autre, le fantastique et l’envie de créer des mondes. Pour les geeks, le virtuel n’est pas qu’un moyen de s’échapper, mais surtout une manière de rendre le réel plus extraordinaire. Le cosplay, jeu de rôle de personnages en imitant leur costume, en est le parfait exemple. »

C’est aussi une façon de matérialiser ce qui a été inventé par le web. Reprendre le contrôle de la technologie, de la catapulte au circuit imprimé, fait donc partie des « causes » à défendre. Dans l’esprit des « makers », la bidouille est une alternative face aux forces obscures du commerce. Au regard du contraste entre la majesté du lieu et l’ambiance fantastique qui règne jour et nuit, on se dit que les négociations ne furent pas forcément simples avec le châtelain. Même pas. « Nous avons été mis en relation par un ami commun japonophile », explique Nicolas Mazzesi, propriétaire du château. « Les choses se sont calées très rapidement, chacun y trouve son intérêt. »

À vrai dire, tous les participants louent l’atmosphère et le charme de l’endroit. Les Youtubeurs Fred et Seb, animateurs de la chaîne humoristique de retrogaming « Joueur du grenier », tout comme Bob Lennon apprécient le site. « C’est une convention en extérieur, dans un lieu patrimonial, le cadre est hypertop. Le public est plus proche que les conventions classiques indoor plus japonisantes », explique ce dernier.

Nicolas Mazzesi et son épouse Katherine Wune ne voient en tout cas que des effets positifs dans l’opération : « Avec quelques milliers de visiteurs par an, ce festival apporte de la notoriété au château et à la ville. C’est aussi un moyen de faire vivre le territoire et l’industrie touristique en ce début de saison. Gîtes, chambres d’hôtes et restaurants sont pris d’assaut pendant le week-end. »

La crainte de la toute première édition dissipée, la population de la commune a également adopté l’événement. « Forcément, il y a de quoi être surpris si vous croisez dans la rue la princesse Mononoké en discussion avec des X-Men ou encore Dark Vador lorsque vous allez chercher votre pain », apostille Nicolas.

De jour comme de nuit, une seule obsession, jouer…

Depuis 2014, le temps d’un week-end, Selles-sur-Cher bascule paisiblement dans une sorte d’univers parallèle, au gré des jeux de rôle et autres parties de cartes. « C’est exceptionnel, mais on attire du monde de toute la francophonie », rappelle Naya Bié. « Selles-sur-Cher est désormais inscrit sur l’agenda des geeks. Ils aiment le côté participatif de ce festival chaleureux qui n’arrête pas de grandir. »

En 2019, les Geek Faëris fêteront leurs dix ans. Au Château de Selles-sur-Cher ? La manifestation séduit de plus en plus, la place commence à manquer et cela pose notamment des problèmes de logistique. « On est une référence, un rendez-vous qui compte en Europe », poursuit Mme Bié. « On ne demande pas de subvention, juste un peu de bienveillance et des facilités dont la mise à disposition d’un champ pour héberger les festivaliers ».

Après le bilan de cette neuvième édition, les organisateurs, festivaliers et invités décideront de l’avenir. D’ici là, le château se prépare. Des espaces supplémentaires modulables pourront être mis à disposition des Geek Faëries. Perdurent les difficultés d’accessibilité. Alors que les festivaliers plébiscitent le train comme mode de transport, la desserte ferroviaire est insuffisante, voire problématique. Malgré cela, Nicolas Mazzessi se bat pour que Selles-sur-Cher et son château restent la capitale française de la culture geek.


Nicolas Mazzesi ©ARP

NICOLAS MAZZESI, UN GEEK BUSINESSMAN

Le propriétaire du Château de Selles-sur-Cher est fan de Donjons et Dragons, l’un des plus populaires jeux de rôle médiévaux fantastiques. Dans ce jeu, le maître du donjon affronte une équipe d’aventuriers qui tentent de déjouer les pièges que leur réserve le gardien. Comment ne pas trouver d’analogie avec ce défilé de créatures étranges au Château de Selles-sur-Cher pendant le week-end des Geek Faëries ?

Nicolas Mazzesi propose en 2014 aux organisateurs du festival de vivre leur rêve (mais aussi le sien) grandeur nature en mettant à disposition son château. Passionné de jeux de rôle et vidéo, l’entrepreneur avisé mise sur l’axe patrimonial pour développer l’activité au château, mais aussi sur l’innovation. « Avec notre visite virtuelle et la réalité augmentée, nous proposons une immersion dans l’atmosphère des différentes époques du monument et dans son évolution. Les jeunes adorent et deviennent acteurs et guides. C’est dans cette même lignée que nous accueillons les Geek Faëries. »

Il accueille dans le parc de son château un public majoritairement jeune (15-25 ans), « qui ne se rendrait pas à Selles-sur-Cher » sans la tenue de ce festival. « Ce public reviendra dans quelques années en famille », prophétise le châtelain. « La visite des châteaux de la Loire est un grand classique. Nous espérons qu’ils garderont un bon souvenir du château et qu’ils feront un petit détour chez nous lorsqu’ils emmèneront leurs enfants à Chambord, Cheverny ou Chenonceau. »


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