« Délestages » électriques, de l’Atome à la bougie

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Devons-nous nous inquiéter de possibles coupures d’électricité au cours de l’hiver qui approche ?

Par Alberto Rodriguez Pérez
Publié le 8 décembre 2022

« Pas de panique, ça ne sert à rien », a affirmé le président de la République, Emmanuel Macron, mardi 6 décembre, en demandant de mettre fin aux « scénarios de la peur ». Deux jours plus tôt, la Première ministre, Élisabeth Borne, attestait que son gouvernement se démenait pour éviter les « délestages », c’est-à-dire les coupures de courant temporaires et localisées.

Néanmoins, il est fort probable que notre consommation en électricité dépasse notre capacité de production dans les prochains mois. En cause notamment, le redémarrage plus lent que prévu de réacteurs nucléaires d’EDF et la baisse historique des régimes de vents en Europe que subissent les éoliennes. Pour Bruno Lemaire, ministre de l’Économie, « l’effort collectif » concernant la consommation d’énergie suffirait à maintenir l’électricité de manière continue. L’objectif de 10 % de baisse était « atteignable » si la population adoptait une attitude de sobriété qui, ajoutait-il, va « dans le sens de l’histoire ». Comme ses collègues du gouvernement, il mise désormais sur la pédagogie autour de « délestages » probables.

Dans ce contexte, Matignon a rendu publique une circulaire adressée aux préfets afin qu’ils anticipent et préparent leurs départements à d’éventuelles coupures. Ces délestages tournants pourraient concerner plus d’1 million de foyers et surviendront aux moments des pics de consommation entre 8 heures et 13 heures, et entre 18 heures et 20 heures. Il faut comprendre qu’on ne stocke pas l’électricité. Sa production est un flux d’électrons en mouvement, et cela signifie que ce n’est pas parce qu’on économise de l’électricité en décembre qu’on pourra la récupérer en janvier. Ce n’est pas la même chose pour le gaz. Avec des stocks de gaz reconstitués et des mesures de délestages organisées, le pays disposerait de marges de manœuvre pour affronter l’hiver. Ce sera plus compliqué l’année prochaine. « Le véritable risque pèse sur l’hiver 2023-2024, surtout s’il est rigoureux », redoute-t-on au sommet de l’État.

Ces inquiétudes grandissent alors que nous allons bientôt fêter les 50 ans du plan Messmer. En 1974, à la suite du premier choc pétrolier, le Premier ministre présentait au journal de vingt heures son plan énergétique pour limiter la dépendance au pétrole à travers la construction d’un parc nucléaire civil et d’une série de mesures de sobriété énergétique. Pendant cinq décennies, les Français ne se sont jamais posé la question de la fourniture d’électricité. La solution au choc énergétique de 2022, comparable à celui de 1973, passera-t-elle nécessairement par le nucléaire couplé avec l’hydroélectricité, comme c’est le cas en Suède ou en Suisse ? Le débat s’est aujourd’hui déplacé : l’avantage du nucléaire n’étant plus son coût, mais son caractère « non intermittent ». En effet, les nouvelles énergies renouvelables, solaire et éolienne, dépendent des aléas météorologiques. Comment garantir à tous un approvisionnement stable dans ces conditions ? Pour certains, un mix 100 % renouvelable serait excessivement coûteux. Pire, il pourrait conduire à augmenter les émissions de CO2, puisqu’il faudrait compenser régulièrement les baisses de vent ou de soleil.

Si l’on retient le mix nucléaire-barrage-renouvelable, on devra y ajouter une politique forte dans les nouvelles technologies telles que la géothermie par exemple. En attendant le déploiement de six réacteurs EPR 2 voulus par le président de la République dans son ambition de « reprendre le contrôle de notre destin énergétique », nous ne pourrons malheureusement faire l’économie de centrales thermiques à gaz et charbon fortement polluantes. Une dynamique embrassée par les autres pays de l’Union européenne en pleine crise de l’énergie.


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