Un nouvel agent conversationnel en ligne fascine les internautes avec ses créations littéraires, sa maîtrise des langues humaines et informatiques, ses réponses surprenantes et parfois aussi ses grossières erreurs, ses nombreuses incohérences, ses absences de sens de la chronologie, ses blagues potaches…
Par Alberto Rodriguez Pérez
Publié le 2 février 2023
Le modèle de langage ChatGPT, basé sur l’apprentissage automatique et les réseaux de neurones profonds imitant le fonctionnement du cerveau humain, a introduit l’intelligence artificielle (IA) dans le débat quotidien. On ne compte plus les chansons, les jeux de questions-réponses, les dialogues, voire les interviews du programme de l’entreprise américaine OpenAI. Et c’est juste le début. D’ici très peu de temps, ces systèmes de plus en plus évolués se transformeront en assistants permanents et invisibles de nos activités sociales et professionnelles, les interfaces de nos appareils, véhicules et électroménagers, les oracles de nos décisions, et les médiateurs entre les personnes et les services administratifs, médicaux, les médias et les établissements d’enseignement. C’est pourquoi nous devons examiner les risques et prendre des mesures pour les atténuer avant qu’ils ne deviennent une réalité tangible.
Le potentiel de l’IA est indéniable. Sa capacité à analyser de grandes quantités de données et à faire des estimations prodigue une aide précieuse dans l’anticipation des catastrophes, le diagnostic des maladies, la gestion des ressources à long terme ou encore l’optimisation des flux de transport. Ses compétences déchargent déjà de nombreux médias de la surveillance des fluctuations boursières, de la diffusion de résultats sportifs des championnats mineurs ou des prévisions météorologiques. Et elle est utile à l’éducation pour le soutien personnalisé des mathématiques au latin.
Mais nous ne pouvons pas automatiser ces fonctions sans atténuer les inégalités qui s’amplifieraient de manière exponentielle, par exemple, parmi ceux qui conservent un accès de plus en plus privilégié aux soins médicaux, à l’enseignement, à l’information. L’automatisation des services offre des avantages économiques aux entreprises avec des plages horaires élargies et des économies de salaire et de sécurité sociale. Mais il constitue parallèlement un risque pour la vie privée et l’attention du patient, de l’usager et du citoyen. Le régulateur, souvent en retard par rapport aux changements de paradigme, se doit de promulguer des directives et des réglementations claires qui garantissent un principe de transparence et de responsabilité dans le développement et le déploiement de modèles mécaniques, en particulier dans les domaines des prêts, des soins, des contrats ou de la justice pénale. Aucune intelligence artificielle ne peut nous remplacer ou prendre des décisions à notre place ; sa fonction est de nous aider tout simplement à statuer, diagnostiquer, mieux penser.
D’autre part, l’Europe doit assurer la collaboration entre l’industrie et les organismes de recherche pour partager les connaissances et les ressources afin de faire progresser le développement constant de l’innovation de rupture. Sans cela, elle est vouée à endosser un rôle de timide modérateur dans la confrontation technologique entre les géants de l’IA (Microsoft, Facebook, Google, Amazon…). Son coût environnemental élevé ne peut pas non plus être ignoré. Les modèles d’IA comme GPT-3 sont onéreux et nécessitent des quantités massives de minéraux, de liquides et d’énergie, et génèrent des déchets et du gaz à effet de serre. Pour certains, c’est la clé pour résoudre des problèmes tels que la crise climatique. Mais, accepterons-nous leur voracité énergétique sans exiger de diminuer leur empreinte carbone ? Nous devons mettre de l’ordre dans la maison avant de la laisser entre les mains d’une quelconque intelligence artificielle.